Week-end d’intégration et obligation de sécurité de l’association organisatrice
Les 18 et 19 octobre 2014, l’Association Toulousaine des Etudiants en Kinésithérapie a organisé un week-end d’intégration des nouveaux étudiants à la base de loisirs de MONCLAR DE QUERCY.
Après leur arrivée en bus sur les lieux, les nouveaux étudiants de l’Ecole de Kinésithérapie de TOULOUSE PURPAN ont défilé sous une « haie d’honneur », composée d’étudiants de deuxième et troisième année, munis de denrées alimentaires.
Au cours de ce défilé, un nouvel étudiant a reçu une projection de vinaigre dans les yeux à l’origine d’un ulcère bilatéral de grande taille justifiant sa prise en charge par un pharmacien, puis par le Service des Urgences de la Clinique du Pont des Chaumes à MONTAUBAN, avant d’être transféré au sein du Centre Hospitalier de TOULOUSE PURPAN.
Une déclaration de sinistre a alors été effectuée par la victime, son père et l’association étudiante.
Par exploits d’Huissier de Justice en date des 3 et 12 août 2015, la victime a fait assigner l’Association Toulousaine des Etudiants en Kinésithérapie, son assureur et la LMDE devant le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE afin de solliciter la réparation de ses préjudices.
Par jugement en date du 13 mars 2017, le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE a débouté la victime de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de l’association étudiante.
Pour ce faire, la juridiction a considéré que l’association organisatrice n’avait pas manqué à son obligation de moyens de surveillance et de sécurité, en ce qu’aucun élément ne permettait d’établir qu’elle avait mis en place les jets de denrées alimentaires dangereux, qu’elle avait fait signer à chaque participant un engagement à respecter tous les critères de sécurité et d’avoir un comportement respectueux de l’ensemble des participants, et qu’en cas de comportement anormal et d’acte d’agression, seul le participant était passible de sanctions pénales ou pécuniaires.
Par déclaration en date du 30 mai 2017, la victime a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 1er juillet 2019 (Cour d’Appel de TOULOUSE, Chambre 1 – Section 1, 1er juillet 2019, N°17/02997), la Cour d’Appel de TOULOUSE a infirmé la décision rendue en première instance et fait droit aux demandes de la victime.
Selon la Cour d’Appel de TOULOUSE, « l’organisateur d’une manifestation de loisirs est tenu d’une obligation de moyens qui consiste en la mise en œuvre des moyens nécessaires pour assurer la sécurité des participants pour éviter les risques prévisibles ».
Or, toujours selon la Cour d’Appel de TOULOUSE, l’association étudiante, en qualité d’organisatrice du week-end d’intégration, a manqué à son obligation de prudence et de diligence en ne mettant pas en œuvre les moyens nécessaires pour éviter la projection de denrées alimentaires pouvant causer des dommages sur les élèves de première année.
Tout d’abord, elle relève que l’association étudiante, qui est à l’origine du défilé des élèves de première année sous la « haie d’honneur » constituée par les élèves plus anciens, a fourni les denrées alimentaires qui ont été projetées.
Ensuite, aucune mesure concrète n’a été mise en place pour éviter la projection du vinaigre ; aucun matériel de protection n’a été fourni aux étudiants de première année pour éviter toute blessure sur des endroits sensibles du corps comme les yeux.
Par ailleurs, la charte de bonne conduite élaborée par l’association et signée par les étudiants, selon laquelle ils s’engageaient à respecter les critères de sécurité et à avoir un comportement respectant les autres participants du week-end, ne permet pas, à elle seule, de conclure que l’association organisatrice a fait preuve de prudence et de diligence pour assurer la sécurité des participants.
Au demeurant, selon la Cour d’Appel de TOULOUSE, non seulement l’organisation d’une « haire d’honneur » avec mise à disposition de denrées alimentaires aux fins de projection sur les élèves de première année apparaît peu compatible avec l’engagement demandé aux mêmes élèves d’adopter un comportement respectueux des autres participants, mais aucune consigne ou restriction n’a été délivrée quant aux produits susceptibles d’être utilisés dans ce cadre, les seules informations données tenant aux dangers d’une baignade dans un plan d’eau non surveillé, aux conséquences d’un comportement agressif ou de consommation d’alcool et de produits illicites.
De plus, la projection de vinaigre a causé à la victime des lésions au niveau des yeux : douleurs oculaires intenses et photophobie manifeste selon le pharmacien chez lequel elle s’est rendue après les faits et l’ophtalmologiste du Service des Urgences a constaté un ulcère cornéen et conjonctival étendu aux deux yeux le 18 octobre 2014.
Par conséquent, la Cour d’Appel de TOULOUSE déclare l’association étudiante, organisatrice du week-end d’intégration, entièrement responsable de ces dommages résultant directement de ses manquements.
Elle ordonne par ailleurs l’organisation d’une mesure d’expertise médicale afin d’évaluer les préjudices de la victime et condamne l’association étudiante et son assureur à verser à celle-ci une provision d’un montant de 1.000 euros à valoir sur son indemnisation définitive.
Au demeurant, il convient de rappeler que l’article 225-16-1 du Code Pénal sanctionne désormais le bizutage de la façon suivante :
« Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l’alcool de manière excessive, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, sportif et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ».
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.