Victimes d’infraction et définition de l’Incapacité Totale de Travail
Le 9 août 2013, un agent opérationnel de sûreté de la SNCF a été blessé dans l’exercice de ses fonctions par un passager.
Par jugement du Tribunal Correctionnel, le passager a été déclaré coupable des chefs de rébellion et de port d’arme prohibé de 6ème catégorie et condamné, après expertise, à verser une certaine somme d’argent à la victime en réparation de son préjudice corporel.
L’agent de sûreté blessé a toutefois décidé de saisir une Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction (la CIVI) d’une demande de réparation de son préjudice.
Par arrêt en date du 14 juin 2018, la Cour d’Appel de PARIS a déclaré recevable la requête présentée par l’agent de sûreté blessé en application des dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale et a condamné le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et d’autres infractions (le FGTI) à lui verser les sommes de 886,25 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels actuels, 818,75 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire partiel et 2.500 euros au titre de ses souffrances.
Le Fonds de Garantie s’est néanmoins pourvu en cassation à l’encontre de cette décision estimant que les dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale avaient été violées par la Cour d’Appel de PARIS, lequel dispose que :
« Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° Ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l’article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation et n’ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ;
2° Ces faits :
-soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;
-soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;
3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national.
La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ».
Aux termes de son pourvoi, le Fonds de Garantie soutient que seuls sont indemnisables sur le fondement de cet article les faits ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.
Or, selon le Fonds de Garantie, la victime n’aurait pas été dans l’incapacité totale de se livrer aux actes usuels de la vie courante et de travailler ; seule une incapacité partielle aurait été caractérisée pendant cette période, de sorte que sa requête ne serait pas recevable.
Toutefois, par arrêt en date du 21 novembre 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 21 novembre 2019, Pourvoi n°18-21661), la Cour de cassation n’a pas fait droit à l’argumentation développée par le Fonds de Garantie et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS.
Comme le rappelle la Cour de cassation, l’incapacité totale de travail, au sens de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale, ne se limite pas à la période d’hospitalisation ou d’immobilisation totale de la victime.
L’incapacité totale de travail tient également compte du retentissement fonctionnel des lésions sur la capacité normale de déplacement de la victime.
Or, la Cour de cassation relève que la victime a présenté, à la suite des faits de rébellion, une entorse de la cheville droite traitée par la mise en place d’une attelle pendant trois semaines qui l’avait contrainte à béquiller pendant cette même période, puis constate qu’à l’issue de ces trois semaines l’usage d’une chevillière ayant réveillé la douleur, il avait été nécessaire de mettre en place une botte orthopédique pendant une dizaine de jours, puis une attelle toujours en place à la date du 18 novembre 2013.
Enfin, la victime n’avait pu « déambuler » de nouveau que le 24 novembre 2013, même si elle conservait des douleurs.
Par conséquent, selon la Cour de cassation, la Cour d’Appel de PARIS a, à bon droit, estimé que l’incapacité totale de travail personnel de la victime était bien supérieure à un mois et a exactement déduit que cette dernière remplissait la condition exigée, à ce titre, par les dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale.
Le Fonds de Garantie sera donc tenu d’indemniser la victime de ses différents préjudices à la suite des faits dont elle a été victime le 9 août 2013.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.