Vaccination obligatoire
Par un arrêt en date du 8 février 2017 (Conseil d’État, 8 février 2017, N°397151), le Conseil d’État est venu imposer au Ministre chargé de la santé, dans un délai de 6 mois, de prendre l’ensemble des mesures nécessaires afin de rendre disponibles, sur le marché français, les vaccins correspondant aux seules vaccinations obligatoires.
Système de prévention permettant de lutter contre les maladies infectieuses, la vaccination consiste à injecter, dans l’organisme humain, une forme modifiée et inoffensive d’un virus ou d’une bactérie afin de stimuler les défenses immunitaires d’une personne. À la suite de l’injection, l’organisme humain va produire des anticorps et sera en mesure, dans l’hypothèse où il serait en contact avec le virus ou la bactérie, de réagir rapidement et de faire barrage à la maladie.
La vaccination a ainsi pour objectif de lutter contre les maladies épidémiques (telles la rougeole, la fièvre jaune, la grippe…) qui peuvent affecter l’ensemble d’une population. Elle doit permettre, en vaccinant le plus grand nombre de personnes, d’éradiquer, de maîtriser ou de prévenir la réapparition de certaines maladies particulièrement dangereuses et ce, dans un but de santé publique comme ce fut le cas, par exemple, avec la variole. La vaccination est ainsi devenue un outil de politique sanitaire de l’État.
Cependant, la vaccination n’est pas totalement sans risque puisqu’il peut arriver, dans certains cas, que des accidents médicaux surviennent à la suite d’une injection.
Les règles encadrant aujourd’hui la vaccination sont regroupées au sein des articles L.3111-1 et suivants et R.3111-1 et suivants du Code de la Santé Publique.
À la lecture de ces articles, il apparaît que deux types de vaccinations coexistent en France ; d’une part les vaccinations obligatoires et, d’autre part les vaccinations recommandées.
Ainsi, seules sont obligatoires, en France, les vaccinations :
- antidiphtérique ;
- antitétanique ;
- antipoliomyélique ;
Or, depuis plusieurs années, plus aucun vaccin correspondant aux seules valences obligatoires n’est commercialisé en France.
En effet, les seuls vaccins disponibles pour les nourrissons sur le marché français sont soit tétravalents, soit pentavalents, soit hexavalents ; outre les valences antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélique, ces vaccins comportent également des valences contre la coqueluche, l’haemophilus et l’hépatite B.
Par ailleurs, le « kit spécifique » comportant les seules trois valences obligatoires, imposées par le Code de la Santé Publique et que les médecins peuvent se procurer auprès du laboratoire titulaire des autorisations de mise sur le marché, est réservé aux seuls enfants présentants une contre-indication au vaccin contre la coqueluche.
Par conséquent, les parents qui souhaiteraient remplir leurs obligations légales, en vaccinant leurs enfants avec les trois valences obligatoires mais uniquement ces trois valences obligatoires, se retrouvent, aujourd’hui, dans l’impossibilité de le faire en raison de la pénurie de vaccins sur le marché français.
C’est dans ce contexte que plusieurs dizaines de personnes ont décidé de saisir le Ministre en charge de la santé afin de lui demander de prendre l’ensemble des mesures nécessaires afin de rendre disponibles, sur le marché français, les vaccins correspondants aux seules valences obligatoires.
Cependant, aucune réponse ne leur a été adressée par le Ministre en charge de la santé.
Ces mêmes personnes ont alors saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de la décision implicite de rejet du Ministre en charge de la santé et d’enjoindre à ce dernier de prendre les mesures nécessaires afin de pallier à la pénurie de vaccins.
C’est ainsi que, par un arrêt en date du 8 février 2017 (Conseil d’État, 8 février 2017, N°397151), le Conseil d’État a fait droit à leurs demandes et est venu imposer, dans un délai de 6 mois, au Ministre chargé de la santé, de prendre l’ensemble des mesures nécessaires afin de permettre de rendre disponibles, sur le marché français, les vaccins correspondant aux seules valences obligatoires.
Pour ce faire, le Conseil d’État commence par rappeler que seules les vaccinations antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélique sont obligatoires en vertu des dispositions du Code de la Santé Publique.
Or, du fait de la pénurie de vaccins trivalents, les parents sont contraints, pour respecter leurs obligations, de vacciner leurs enfants avec des valences qui ne sont pas obligatoires.
Pourtant, comme le souligne le Conseil d’État, le Ministre en charge de la santé dispose de plusieurs moyens juridiques pour garantir la disponibilité, sur le marché français, de vaccins avec les seules valences obligatoires.
En effet, le Ministre en charge de la santé peut parfaitement :
- sanctionner les laboratoires et entreprises qui ne respectent pas leur obligation d’élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries de vaccins et leur obligation de prévenir les risques de rupture de stock ;
- demander au Ministre chargé de la propriété intellectuelle de soumettre le brevet d’un médicament au régime de la licence d’office afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante ;
- saisir l’Agence nationale de la santé publique, qui a le pouvoir de procéder à l’acquisition, la fabrication, l’importation et la distribution de médicaments pour faire face à leur commercialisation ou production insuffisante.
Dès lors, selon le Conseil d’État, le Ministre en charge de la santé ne pouvait se contenter de « rappeler les laboratoires à leurs obligations ».
Le Ministre chargé de la santé se devait de faire usage des pouvoirs qu’il détient afin d’assurer l’approvisionnement et la commercialisation, en France, des vaccins permettant de satisfaire aux seules vaccinations obligatoires.
Par conséquent, le Conseil d’État annule la décision implicite de rejet du Ministre en charge de la santé et lui enjoint, dans un délai de 6 mois, de prendre l’ensemble des mesures nécessaires afin de rendre disponibles, sur le marché français, les vaccins correspondant aux seules vaccinations obligatoires.
Aussi, dans un délai de 6 mois, les parents devraient pouvoir, s’ils le souhaitent, vacciner leurs enfants avec les seules trois valences obligatoires.
Toutefois, il serait tout à fait possible que, dans ce délai de 6 mois, la législation évolue et que le champ des vaccinations obligatoires soit étendu par les dispositions du Code de la Santé Publique.