Vaccination et responsabilité

Vaccination et responsabilité
Publié le 19/12/16

Système de prévention permettant de lutter contre les maladies infectieuses, la vaccination consiste à injecter, dans l’organisme humain, une forme modifiée et inoffensive d’un virus ou d’une bactérie afin de stimuler les défenses immunitaires d’une personne. À la suite de l’injection, l’organisme humain va produire des anticorps et sera en mesure, dans l’hypothèse où il serait de nouveau en contact avec le même virus ou la même bactérie, de réagir rapidement et de faire barrage à la maladie.

La vaccination a pour objectif de lutter contre les maladies épidémiques (telles la rougeole, la fièvre jaune, la grippe…) qui peuvent affecter l’ensemble d’une population. Elle doit permettre, en vaccinant le plus grand nombre de personnes, d’éradiquer, de maîtriser ou de prévenir la réapparition de certaines maladies particulièrement dangereuses et ce, dans un but de santé publique. La vaccination est ainsi devenue un outil de politique sanitaire de l’État.  

Toutefois, la vaccination n’est pas totalement sans risque puisqu’il peut arriver, dans certains cas, que des accidents médicaux surviennent à la suite d’une injection, raison pour laquelle certaines personnes refusent aujourd’hui de se faire vacciner au nom de leur liberté individuelle et de l’intégrité de leur corps.

La vaccination trouve sa source dans l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que la Nation garantit à tous : « notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

Les règles encadrant aujourd’hui la vaccination sont regroupées au sein des articles L.3111-1 et suivants et R.3111-1 et suivants du Code de la Santé Publique.

À la lecture de ces articles, il apparaît que deux types de vaccinations coexistent en France ; d’une part les vaccinations obligatoires et, d’autre part les vaccinations recommandées.

Suivant le caractère obligatoire ou non de la vaccination, le régime juridique permettant d’obtenir la réparation intégrale des préjudices subis par un patient à la suite d’une injection sera différent.

Le régime de réparation en cas de vaccination obligatoire

Sauf contre-indication médicalement reconnue, sont obligatoires les vaccinations :

  • antidiphtérique ;
  • antitétanique ;
  • antipoliomyélique ;

Trois vaccinations seulement demeurent donc obligatoires pour l’ensemble de la population française.

Ces obligations sont prévues aux articles L.3111-2 et L.3111-3 du Code de la Santé Publique.

Selon le Conseil Constitutionnel, ces trois obligations vaccinales sont parfaitement conformes à la Constitution et notamment au droit à la santé garanti par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (Décision du Conseil Constitutionnel du 20 mars 2015, QPC, n°2015-458).

La très grande majorité de ces vaccinations est pratiquée par des médecins libéraux qu’il s’agisse de médecins généralistes (médecins traitants) ou de médecins spécialistes (pédiatres).

Ces vaccinations peuvent également être pratiquées par les services départementaux de vaccination ou par ceux de la protection maternelle et infantile.

Étant principalement réalisés en bas âge, il appartient aux titulaires de l’autorité parentale ou aux personnes qui ont la charge de la tutelle des mineurs de faire procéder à ces vaccins.

En cas de non-respect des vaccinations obligatoires, l’admission d’un enfant dans une collectivité pourra être valablement refusée qu’il s’agisse d’une école privée ou publique, d’une garderie ou d’une colonie de vacances (Conseil d’État, 4 juillet 1958, N° 41841, GRAFF ; Conseil d’Etat, 4 juillet 1958, N° 41841, Epoux REYES ; Conseil d’Etat, 10 janvier 1996, N° 153477).

De plus, des amendes pourront être prononcées en application des articles L.3116-1 et R.3116-2 et suivants du Code de la Santé Publique.

Enfin, dans les cas les plus graves, des peines d’emprisonnement à l’encontre des parents pourront être prononcées sur le fondement de l’article L.3116-4 du Code de la Santé Publique qui dispose que :

« Le refus de se soumettre ou de soumettre ceux sur lesquels on exerce l’autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de vaccination prévues aux articles L. 3111-2, L. 3111-3 et L. 3112-1 ou la volonté d’en entraver l’exécution sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 Euros d’amende ».

Ainsi, dans un jugement en date du 7 janvier 2016, le Tribunal Correctionnel d’AUXERRE a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis des parents qui refusaient, depuis plusieurs années, de soumettre leurs deux enfants à la vaccination obligatoire du DT POLIO.

En cas de dommage consécutif à vaccination obligatoire, l’indemnisation intégrale des préjudices du patient sera assurée par l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales), au titre de la solidarité nationale et ce, conformément aux dispositions de l’article L.1142-22 alinéa 2 du Code de la Santé Publique.

En effet, l’article L.3111-9 du Code de la Santé Publique dispose que :

« Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l’article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale ».

Il s’agit d’une responsabilité de plein droit, sans faute, de l’État.

Il convient de préciser que les Commissions de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) ne sont alors pas compétentes pour connaître de ces demandes indemnitaires.

En effet, les demandes doivent être adressées directement au Service Vaccination de l’ONIAM, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou déposées directement au secrétariat de l’Office contre récépissé.

La victime doit rapporter la preuve du caractère obligatoire de la vaccination, de la date de réalisation des injections mises en cause, de la date d’apparition des premiers symptômes et de la nature des dommages consécutifs à l’injection.

L’ONIAM va alors accuser réception du dossier et peut, si celui-ci est incomplet, solliciter l’envoi de pièces complémentaires.

Une fois le dossier complété, l’ONIAM va diligenter une expertise médicale.

À la suite de cette expertise et dans l’hypothèse où toutes les conditions seraient remplies, l’ONIAM adressera à la victime ou à ses ayant-droits, en cas de décès, une offre d’indemnisation calculée sur la base de son référentiel indicatif d’indemnisation. 

L’offre doit indiquer le montant retenu pour chacun des postes de préjudice, déduction faite des éventuelles prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

L’offre de l’ONIAM doit également préciser au demandeur qu’il dispose d’un délai de deux mois, à compter de sa réception, pour la contester éventuellement devant le Tribunal Administratif territorialement compétent conformément aux dispositions de l’article R.421-1 du Code de Justice Administrative.

Si la victime accepte l’offre émise par l’ONIAM, cette acceptation vaudra transaction au sens de l’article 2044 du Code civil. Il ne sera donc plus possible pour la victime de solliciter ultérieurement une indemnisation complémentaire.

Le régime de réparation en cas de vaccination facultative

Les dommages imputables à une vaccination ne revêtant pas un caractère obligatoire au sens des articles L.3111-2 et L.3111-3 du Code de la Santé Publique doivent être indemnisés dans le cadre des procédures en responsabilité de droit commun.

En effet, en cas de vaccination facultative, il appartient au patient ou à ses ayant-droits, en cas de décès, de rechercher la responsabilité :

  • du laboratoire pharmaceutique ;
  • du médecin prescripteur et/ou vaccinateur ;
  • de l’établissement de santé en cas de faute ;

Le patient devra alors démontrer, soit que le produit injecté était défectueux, soit qu’une faute a été réalisée lors de l’injection (faute dans l’organisation du service ou faute dans la réalisation du vaccin lui-même), soit qu’un manquement à l’obligation d’information a été commis dans le cadre de la vaccination.

Contrairement aux vaccinations obligatoires, la responsabilité des professionnels et/ou établissements de santé n’est pas une responsabilité de plein droit.

Il est donc nécessaire de rapporter la preuve d’une faute ou d’un défaut du produit de santé injecté.

Dans la majorité des cas, une expertise judiciaire s’avérera nécessaire.

Le régime de réparation en cas de vaccination combinée

Il arrive régulièrement que plusieurs souches vaccinales soient injectées simultanément dans le cadre d’un seul et même vaccin.

Il peut s’agir de plusieurs valences obligatoires, de plusieurs valences facultatives mais aussi de valences obligatoires et facultatives en même temps.

Dans cette dernière hypothèse, s’est alors posée la question de savoir quel régime était applicable en cas de dommage imputable à la vaccination.

Dans un arrêt en date du 25 juillet 2013 (Conseil d’État, 25 juillet 2013, N° 347777, Consorts YANA), le Conseil d’État est venu résoudre cette difficulté.

Selon le Conseil d’État :

« dans le cas d’un vaccin associant des valences obligatoires et des valences facultatives, la responsabilité de l’État ne peut être écartée que s’il est démontré que les troubles sont exclusivement imputables à une valence facultative et si cette valence n’était pas systématiquement associée aux valences obligatoires dans les vaccins disponibles.  

Considérant que, pour écarter la responsabilité de l’État, les juges du fond ont relevé qu’il résultait de l’instruction, et notamment des différents avis médicaux versés au dossier qui leur était soumis, que n’était pas rapportée la preuve d’un lien de causalité direct entre l’apparition des troubles dont est atteinte Sophie B…et les trois valences obligatoires du vaccin Tétracoq qui lui a été administré ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’en se fondant sur ce seul motif, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, les consorts B…sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué
 ».

Ainsi, lorsque des valences obligatoires et facultatives sont injectées dans le cadre d’un seul et même vaccin, la responsabilité de l’État ne peut être écartée que s’il est démontré que les troubles subis par le patient sont exclusivement imputables à une valence facultative qui n’était pas systématiquement associée aux valences obligatoires.

Cette solution en cas de vaccin combiné avait déjà été affirmée par le Conseil d’État dans un précédent arrêt en date du 24 avril 2012 (Conseil d’État, 24 avril 2012, N° 327915, Ministère de la Santé et des Sports c/Mme CHELHI). 

Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.

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