Syndrome du Bébé Secoué, recommandations de la Haute Autorité de Santé et obligation de motivation du Juge

Syndrome du Bébé Secoué, recommandations de la Haute Autorité de Santé et obligation de motivation du Juge
Publié le 19/08/24

Une mère, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de sa fille mineure, a saisi une Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (la CIVI) afin de solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise médicale ainsi que le versement d’une provision.

Aux termes de sa requête, la mère soutenait que son enfant présentait des symptômes du syndrome du bébé secoué, consécutifs à des violences volontaires causées par une personne non identifiée.

Cependant, par arrêt en date du 8 septembre 2022, la Cour d’Appel de VERSAILLES a déclaré irrecevables les demandes d’expertise et de provision formulées par la mère.

Pour ce faire, elle relève que, selon les documents établis par l’hôpital, il avait été constaté un hématome sous dural bilatéral et une hémorragie rétinienne à gauche.

Toutefois, au regard, d’une part des éléments très incomplets produits par la mère et, d’autre part de l’absence de toute enquête (seule moyen de vérifier ses dires s’agissant des circonstances dans lesquelles les faits de violences volontaires qu’elle alléguait auraient pu se produire), la seule communication d’un signalement peu probant, dont les suites sont inconnues, et la référence laconique figurant dans un document médical évoquant en mars 2013 un traumatisme crânien « non accidentel » ne suffisaient pas, selon la Cour d’Appel de VERSAILLES, à établir la matérialité de l’infraction alléguée.

En outre, une mesure d’expertise ne pouvait être ordonnée pour pallier la carence de la mère dans l’administration de la preuve.

Cette dernière s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, la mère fait valoir, en s’appuyant sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé qu’en l’absence de maladie affectant le métabolisme de l’enfant et en l’absence de traumatisme accidentel très clair, le diagnostic de bébé secoué est certain en cas d’hématome sous dural multifocal et d’hémorragies rétiniennes quelles qu’elles soient.

La mère ajoute qu’il importe peu que la référence à un « traumatisme crânien non accidentel » soit apparue seulement formellement dans le compte-rendu d’hospitalisation du 4 au 6 mars 2013, dès lors que le premier compte-rendu d’hospitalisation du 3 au 9 août 2012 faisait déjà état d’un « épanchement sous dural bilatéral » et d’une « hémorragie rétinienne », tous deux caractéristiques du syndrome du bébé secoué.

Il est donc parfaitement indifférent que le premier compte-rendu d’hospitalisation ne fasse pas référence explicitement à des faits de secouement dès lors que les lésions décrites par les professionnels de santé, dans ce compte-rendu, permet de caractériser un syndrome du bébé secoué au regard des recommandations de la Haute Autorité de Santé. 

Or, par arrêt en date du 30 mai 2024 (Cour de cassation, Civile 2ème, 30 mai 2024, Pourvoi n°22-23027), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES et fait droit à l’argumentation développée par la mère, au visa de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

Comme le rappelle la Cour de cassation, tout jugement doit être motivé ; le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.

Selon la Cour de cassation, en ne répondant pas aux conclusions de la mère, qui faisait valoir que selon les recommandations professionnelles de la Haute Autorité de Santé qu’elle produisait, en l’absence de maladie affectant le métabolisme de l’enfant et en l’absence de traumatisme accidentel très clair, le diagnostic de bébé secoué était certain en cas d’hématome sous dural multifocal et d’hémorragies rétiniennes quelles qu’elles soient, la Cour d’Appel n’a pas motivé sa décision.

Force est donc de constater que les juridictions sont tenues de prendre en compte les recommandations de la Haute Autorité de Santé relatives au Syndrome du Bébé Secoué ou Traumatisme Crânien Non Accidentel par secouement dans le cadre de la motivation de leurs décisions.

Si les juridictions ne le font pas, leurs décisions peuvent être censurées pour défaut de motivation. 

Les recommandations de la Haute Autorité de Santé relatives au Syndrome du Bébé Secoué ou Traumatisme Crânien Non Accidentel par secouement ont donc une valeur normative. 

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