Sanction par le Conseil d’Etat du non-respect du principe du contradictoire lors de la procédure d’expertise médicale

Sanction par le Conseil d’Etat du non-respect du principe du contradictoire lors de la procédure d’expertise médicale
Publié le 15/03/22

Une patiente, souffrant d’un diabète de type 1 compliqué de néphropathie et de neuropathie diabétique, a été admise, en avril 2010, au sein de l’Hôpital Kremlin-Bicêtre, établissement relevant de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, pour y subir une double greffe du rein et du pancréas.

A la suite de complications liées à cette intervention chirurgicale, deux nouvelles opérations ont dû être réalisées afin de retirer les greffons, qui ont elles-mêmes occasionnées de nouvelles complications. 

Par jugement en date du 5 février 2015, le Tribunal Administratif de MELUN a condamné l’Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux (l’ONIAM) à verser à la patiente la somme de 774.231,08 euros, outre 10.000 euros à son conjoint.

Par arrêt en date du 10 juillet 2020, la Cour Administrative d’Appel de PARIS a annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance, étant précisé que la patiente était décédée en cours de procédure. 

Son conjoint s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier reproche notamment à la Cour Administrative d’Appel de PARIS de s’être fondée sur les conclusions d’un Expert Judiciaire qu’elle avait désigné, par arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016, lequel, d’une part n’avait pas examiné la patiente dans la mesure où elle était décédée en cours de procédure et, d’autre part n’avait pas transmis aux parties de pré-rapport d’expertise alors même que la mission qui lui avait été impartie le prévoyait explicitement. 

Par arrêt en date du 15 décembre 2021 (Conseil d’Etat, 5ème Chambre, 15 décembre 2021, N°443959), le Conseil d’Etat a fait droit à l’argumentation développée par le conjoint de la patiente décédée et annulé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de PARIS.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, le respect du caractère contradictoire de la procédure d’expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l’Expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. 

Lorsqu’une expertise est entachée d’une méconnaissance de ce principe, ses éléments peuvent néanmoins, s’ils sont soumis au débat contradictoire en cours d’instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu’ils ont le caractère d’éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d’éléments d’information dès lors qu’ils sont corroborés par d’autres éléments du dossier.

Le Conseil d’Etat relève en l’espèce que si le rapport de l’Expert Judiciaire, qui n’a pas pu examiner la patiente en raison de son décès dans le courant de l’instance d’appel, s’est fondé uniquement sur des éléments de fait qui figuraient au dossier de la procédure et qui avaient, dans le cadre de celle-ci, été soumis au contradictoire, l’Expert Judiciaire s’est abstenu de mettre les parties à même de discuter de ses conclusions avant de remettre son rapport, en méconnaissance, d’ailleurs, des termes mêmes de la mission qui lui avait été impartie par la Cour Administrative d’Appel.

Or, le Conseil d’Etat ajoute qu’il ressort des termes de l’arrêt attaqué que les juges du fond se sont fondés sur ses conclusions médicales, qui étaient pourtant contestées par les parties.

Par conséquent, le principe du contradictoire a été méconnu, raison pour laquelle le conjoint de la patiente décédée est bien fondé à solliciter l’annulation de l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de PARIS. 

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