Réveil d’un patient au cours d’une opération : condamnation du médecin anesthésiste réanimateur pour s’être absenté de la salle d’opération sans aviser les autres soignants
Au cours d’une néphrectomie réalisée sous anesthésie générale, un patient s’est réveillé, ressentant l’ensemble des actes opératoires sans pouvoir effectuer un mouvement.
Alerté par une hypertension artérielle et une majoration des saignements, le chirurgien a constaté que le médecin anesthésiste était alors absent du bloc opératoire, introuvable et injoignable.
Une infirmière anesthésiste, appelée en urgence, a constaté que le débit de gaz anesthésiant était fermé et a pris les dispositions nécessaires.
L’expertise réalisée dans le cadre de l’enquête préliminaire a notamment conclu que le réveil du patient était la conséquence d’une faute du médecin anesthésiste réanimateur et que ce dernier ne pouvait s’absenter du bloc opératoire que de manière très brève, en avisant les autres soignants, et uniquement lorsque l’anesthésie est stable, conditions qui n’avaient pas été respectées en l’espèce.
Le médecin anesthésiste réanimateur a alors été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel, qui l’a déclaré coupable de blessures involontaires avec incapacité totale de travail n’excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.
Le médecin anesthésiste réanimateur et le Ministère Public ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 19 mai 2021, la Cour d’Appel de TOULOUSE a confirmé la décision rendue en première instance.
Le médecin anesthésiste réanimateur s’est alors pourvu en cassation.
Toutefois, aux termes de son arrêt en date du 8 juin 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 juin 2022, Pourvoi n°21-84643), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de TOULOUSE.
Comme le rappelle la Cour de cassation, pour déclarer le prévenu coupable du délit de blessures involontaires, l’arrêt attaqué énonce que l’article D.6124-93 du Code de la Santé Publique met à la charge des médecins anesthésistes l’obligation de participer à l’élaboration des interventions, et que l’article D.6124-94 du même code dispose que l’anesthésie est mise en œuvre sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste réanimateur qui doit assurer une surveillance clinique continue à l’aide des moyens mis à sa disposition par l’établissement conformément à l’article D.6124-91 2°.
Les conseiller ajoutent qu’il incombe au médecin anesthésiste, sous la responsabilité duquel l’anesthésie est pratiquée, d’assurer directement ou par la fourniture de directives à ses assistants, un contrôle permanent des données transmises par les instruments afin d’adapter la stratégie anesthésique.
En s’absentant de la salle d’opération sans prévenir quiconque, alors qu’il venait de constater une hypotension artérielle l’ayant conduit à décider une suspension momentanée de l’arrivée de gaz anesthésiant qu’il savait entraîner une situation précaire devant faire l’objet d’une vigilance constante, le médecin anesthésiste réanimateur a violé de manière délibéré les obligations particulières de prudence qui lui incombaient au titre des dispositions précitées.
Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a caractérisé des manquements délibérés à des obligations de prudence et de sécurité imposées par les textes précités au médecin anesthésiste lui-même.
La condamnation du médecin anesthésiste réanimateur pour blessures involontaires est donc confirmée.