Responsabilité d’une clinique pour défaut de prise en charge de la douleur d’un patient en phase terminale
Un patient, âgé de 61 ans et atteint d’un cancer du côlon, était suivi, depuis plusieurs années, au sein d’une clinique.
Ayant subi plusieurs complications et interventions chirurgicales entre l’année 2004 et l’année 2008, il a présenté, le 29 octobre 2008 de violentes douleurs abdominales.
Conduit à la clinique où il était suivi habituellement, une radiographie de son abdomen a été réalisée. Le jour même, le patient a été autorisé à retourner à son domicile avec une prescription de forlax.
Toutefois, dans l’après-midi du 30 octobre 2008 et compte tenu de la persistance de ses douleurs, le patient a été contraint de se représenter à la clinique où il décédera le 1er novembre suivant, en fin de matinée.
Estimant que la prise en charge médicale de son mari avait été défaillante, son épouse a sollicité l’organisation d’une mesure d’expertise.
Au regard des conclusions déposées par l’Expert, lesquelles mettaient en évidence l’absence totale de prise en charge de la douleur du patient, entré en phase terminale, son épouse a assigné la clinique en justice afin de voir engager sa responsabilité.
Par jugement en date du 4 mars 2014, le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE a condamné la clinique à indemniser les ayant-droits du patient décédé en raison des souffrances endurées.
Pour ce faire, le Tribunal avait considéré qu’il était établi que la clinique avait été défaillante dans la prise en charge du patient en raison de l’absence de traitement de la douleur, d’un défaut de continuité des soins et d’un défaut d’information de ce dernier et de ses proches.
Toutefois, le 28 juillet 2014, la clinique a interjeté appel de cette décision.
Par un arrêt en date du 4 février 2016 (Cour d’Appel de VERSAILLES, 3ème Chambre, 4 février 2016, RG n° 14/05847), la Cour d’Appel de VERSAILLES a confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY et condamné la clinique à indemniser les ayant-droits du patient décédé au titre des souffrances endurées.
La responsabilité de la clinique pour défaut de prise en charge de la douleur du patient en phase terminale
L’épouse du patient décédé reprochait à la clinique une absence totale de prise en charge de la douleur de son mari, pendant tout un week-end férié, alors que celle-ci n’ignorait pas qu’il était entré en phase terminale de sa maladie et que ses derniers jours étaient marqués par de violentes douleurs.
Pour justifier sa décision, la Cour d’Appel de VERSAILLES a pris soin de rappeler les conclusions de l’Expert dans cette affaire.
En effet, aux termes de son rapport, celui-ci soulignait qu’il n’y avait eu aucune prise en charge de la phase terminale dans laquelle était entré le patient et surtout des « douleurs dramatiques qu’il subissait ».
De plus, il précisait que l’information due au malade et à sa famille n’avait pas été apportée par le personnel soignant de la clinique.
En outre, l’Expert indiquait que si le décès du patient ne pouvait pas être évité, la manière dont ce décès avait eu lieu était « contraire à ce que chacun était en droit d’attendre à la fin de sa vie dans une clinique qui pratique la cancérologie et qui dispose d’un service d’urgence et d’un service de garde ».
Enfin, il notait qu’il existait un réel défaut d’organisation des soins en urgence et de prise en charge de la douleur et des phases terminales dans cette clinique.
Au vu de ces conclusions, la Cour d’Appel de VERSAILLES a donc confirmé purement et simplement le jugement rendu en première instance.
Selon la Cour, en ne prenant pas en charge, pendant tout un week-end, les violentes douleurs subies par le patient, entré dans la phase terminale de son cancer, la clinique a commis une faute engageant sa responsabilité.
Cette décision s’inscrit dans les termes de l’article L.1110-5 du Code de la Santé Publique qui dispose que :
« Toute personne a, compte tenu de son état de sané et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées.
(…)
Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ».
L’indemnisation des souffrances endurées par le patient et ses ayant-droits
N’ayant mis en place aucune thérapeutique tendant à atténuer les souffrances de son patient pendant les derniers jours de sa vie, la clinique donc a été condamnée à indemniser ses ayant-droits.
Cette indemnisation intervient à un double titre.
En effet, la clinique est non seulement tenue d’indemniser les souffrances endurées par le patient lui-même mais aussi celles ressenties par son épouse, « se réveillant encore avec le souvenir de son visage supplicié ».
Or, au regard des pièces présentes au dossier, l’Expert a évalué les souffrances subies par le patient à 7 sur une échelle de 1 à 7, c’est-à-dire des douleurs à leur niveau maximum.
Quant aux souffrances de l’épouse, celles-ci ont été évaluées à 4 sur 7.
Aussi, ces souffrances justifient, selon la Cour d’Appel de VERSAILLES l’allocation d’une somme de 40.000 euros pour les souffrances ressenties par le patient et 20.000 euros pour le préjudice subi à titre personnel par l’épouse.