Responsabilité d’un Centre Hospitalier pour défaut de consentement d’un patient à une intervention chirurgicale
Une femme, âgée de 21 ans au moment des faits, a été victime, en octobre 2006, d’une chute sur le dos, lui occasionnant des douleurs lombaires persistantes.
Différents examens médicaux ont alors été réalisés et ont permis de diagnostiquer une discopathie dégénérative avec petite hernie discale médiane sous-ligamentaire.
À la suite d’une consultation au sein de l’Hôpital Pierre Wertheimer, établissement public de santé dépendant des Hospices Civils de LYON, la patiente s’est vue proposer la réalisation d’une arthrodèse par voie antérieure à laquelle elle a donné son consentement.
Cependant, le 26 juillet 2007, en lieu et place de l’opération initialement proposée, l’équipe chirurgicale a finalement pratiqué une arthroplastie prothétique, consistant à implanter une prothèse totale du disque intervertébral, sans recueillir, au préalable, l’accord de la patiente.
Estimant que ses douleurs n’avaient pas été atténuées et s’étaient même aggravées à la suite de l’intervention chirurgicale, la patiente a alors saisi le Tribunal Administratif de LYON aux fins de voir condamner les Hospices Civils de LYON à lui verser la somme de 83.335 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices.
Dans son jugement en date du 23 mars 2013, le Tribunal Administratif de LYON a fait droit à cette demande et condamné les Hospices Civils de LYON à verser à la patiente la somme totale de 76.300 euros.
L’établissement public de santé a toutefois interjeté appel de cette décision.
Or, dans son arrêt en date du 6 novembre 2014, la Cour Administrative d’Appel de LYON a ramené l’indemnité allouée à la patiente à la somme de 3.000 euros, en réparation de son seul préjudice moral, « au motif que l’intervention à laquelle la patiente avait consenti aurait nécessairement entraîné des effets équivalents ».
La patiente s’est donc pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Dans son arrêt en date du 16 décembre 2016 (Conseil d’État, 16 décembre 2016, N°386998), le Conseil d’État censure l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de LYON.
Selon le Conseil d’État, le défaut de consentement d’un patient à une intervention chirurgicale engage la responsabilité de l’établissement de santé et ce quand bien même les troubles résultant de cette opération n’excèdent pas ceux qui seraient intervenus à la suite de l’intervention initialement prévue.
Par ailleurs, en raison de cette absence de consentement, le patient a droit à la réparation intégrale de l’ensemble de ses préjudices, l’indemnisation ne devant pas être cantonnée au seul préjudice moral.
La nécessaire association du patient aux décisions médicales qui le concernent
L’article L.1111-4 du Code de la Santé Publique dispose que :
« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.
Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrit dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.
Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.
Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.
L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.
Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions ».
En application des dispositions précitées, le patient doit nécessairement être associé, par le professionnel ou l’établissement de santé, à l’ensemble des décisions médicales qui le concernent.
Ainsi, après avoir été valablement informé sur les différentes options thérapeutiques possibles et les risques associés, le patient doit librement consentir aux traitements mis en place ainsi qu’aux interventions chirurgicales envisagées.
En effet, comme le rappelle le Conseil d’État dans son arrêt en date du 16 décembre 2016 (Conseil d’État, 16 décembre 2016, N°386998), la réalisation d’une intervention chirurgicale, à laquelle le patient n’a pas consenti, engage la responsabilité de l’établissement de santé.
Le fait que les troubles dont souffre le patient à la suite d’une opération non acceptée n’excèdent pas ceux entraînés par l’intervention chirurgicale initialement choisie n’exonère pas l’établissement public de sa responsabilité.
Le consentement du patient doit donc, par principe, toujours être recherché préalablement à tout acte médical par les professionnels et établissements de santé.
À défaut, l’établissement de santé pourra être condamné à indemniser le patient.
Les deux seules hypothèses dans lesquelles l’accord du patient ne doit pas être recherché concernent les cas d’urgences vitales ou d’impossibilité de recueillir le consentement (Ex. : personne dans le coma…).
L’association du patient à l’ensemble des décisions médicales qui le concernent doit en effet permettre de lutter contre le paternalisme médical et de préserver sa liberté de choix.
La réparation intégrale des préjudices consécutifs au défaut de consentement du patient à l’intervention chirurgicale
En l’absence de consentement d’un patient à une opération, la responsabilité de l’établissement de santé pourra donc être recherchée.
L’établissement de santé mis en cause sera alors tenu de réparer intégralement les préjudices subis par le patient à la suite de l’opération à laquelle il n’avait pas consenti.
En effet, comme le rappelle le Conseil d’État dans son arrêt en date du 16 décembre 2016 (Conseil d’État, 16 décembre 2016, N°386998), l’indemnisation ne doit pas être cantonnée au seul préjudice moral comme l’avait considéré la Cour Administrative d’Appel de LYON.
« Considérant qu’en dehors des cas d’urgence ou d’impossibilité de recueillir le consentement, la réalisation d’une intervention à laquelle le patient n’a pas consenti oblige l’établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l’intéressé que, le cas échéant, toute conséquence dommageable de l’intervention ».
Ainsi, outre le préjudice moral, le Conseil d’État met à la charge de l’établissement de santé l’ensemble des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, subis par le patient.
Par cet arrêt, le Conseil d’État réaffirme le caractère impératif du consentement du patient concernant tous les actes relatifs à sa santé.
Aucune décision ne peut, par principe, être prise par un professionnel ou un établissement de santé sans son accord.
Le patient doit donc, selon le Conseil d’État, être acteur de sa santé.