Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur
L’article 1242 alinéa 1er du Code civil (Ancien article 1384 alinéa 1er) dispose que :
« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Ce même article prévoit ensuite un certain nombre de cas de responsabilité du fait d’autrui.
L’article 1242 alinéa 4 précise notamment que :
« Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
En application de cet article, les parents sont donc civilement responsables des faits commis par leurs enfants mineurs.
L’objectif de ce cas de responsabilité du fait d’autrui est de faciliter et d’améliorer les possibilités d’indemnisation d’une victime dans la mesure où l’on ajoute un second débiteur d’indemnisation à celui qui est à l’origine du dommage ; en l’espèce, les parents, tout comme leur enfant, seront tenus d’indemniser la victime.
La responsabilité du fait d’autrui se distingue de la responsabilité du fait personnel en ce qu’elle permet d’engager la responsabilité d’un ou plusieurs tiers, à savoir les parents, sans avoir à prouver de faute de leur part.
Cette amélioration de la situation de la victime s’explique principalement par le fait que les parents sont, dans la très grande majorité des cas, titulaires de contrat d’assurance responsabilité civile couvrant leur fait personnel et le fait de leurs enfants mineurs.
Ce sont donc les compagnies d’assurance qui devront, en principe, supporter le coût final de l’indemnisation de la victime.
Toutefois, pour que cette dernière puisse être indemnisée de l’intégralité de ses préjudices, il est nécessaire qu’elle rapporte la preuve que les conditions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil sont bien remplies en l’espèce.
De leur côté, les parents pourront tenter de s’exonérer d’une partie ou de la totalité de leur responsabilité, en tentant de rapporter la preuve que la victime a commis une faute à l’origine de son dommage.
Ces conditions d’indemnisation et d’exonération de responsabilité ont été récemment rappelées par deux arrêts rendus par les Cours d’Appel d’AIX EN PROVENCE et de DOUAI, le 16 mars 2017 (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, 10ème Chambre, 16 mars 2017, RG n° 15/19094 ; Cour d’Appel de DOUAI, 3ème Chambre, 16 mars 2017, RG n° 15/07461).
Les conditions d’engagement de la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur
En application des dispositions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil, quatre conditions sont nécessaires pour que la responsabilité de parents puisse être engagée, à savoir :
- L’existence d’un enfant mineur ;
- L’exercice de l’autorité parentale sur cet enfant ;
- La cohabitation des parents avec l’enfant ;
- Un fait de l’enfant.
La mise en œuvre de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil suppose donc, en premier lieu, un enfant mineur. En effet, si l’enfant est majeur ou émancipé, ses parents ne sauraient être civilement responsables de ses actes.
Par ailleurs, pour que les parents puissent voir leur responsabilité civile engagée en raison d’un fait commis par leur enfant, ceux-ci doivent être titulaires de l’autorité parentale sur l’auteur des faits. Les parents seront alors individuellement ou solidairement responsables suivant que l’autorité parentale est exercée unilatéralement ou conjointement par les deux parents.
En outre, la responsabilité des parents du fait de leur enfant suppose une cohabitation entre eux et le mineur. Si initialement la jurisprudence exigeait une cohabitation effective, c’est-à-dire matérielle, la cohabitation est désormais définie comme la résidence habituelle de l’enfant au domicile de ses parents ou de l’un d’eux. C’est donc la résidence juridique de l’enfant qui compte. À titre d’exemple, même s’il est scolarisé dans un internat ou s’il a été confié temporairement à la garde d’un tiers, l’enfant sera toujours réputé cohabiter avec ses parents. Pour que la cohabitation disparaisse, il sera nécessaire de caractériser l’existence d’une décision de justice ayant transféré la résidence habituelle de l’enfant chez un tiers ou dans une institution.
Enfin, pour que les parents voient leur responsabilité civile engagée, il faut et il suffit que leur enfant ait causé un dommage à un tiers. En effet, depuis l’arrêt FULLENWARTH, rendu le 9 mai 1984 par la Cour de cassation (Cour de cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, Pourvoi n° 79-16612), il n’est plus nécessaire de caractériser une faute commise par l’enfant mineur ; un simple fait causal suffira à engager la responsabilité de ses parents. Comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt précité, « il suffit que [l’enfant] ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ».
Dans l’arrêt rendu le 16 mars 2017 (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, 10ème Chambre, 16 mars 2017, RG n° 15/19094), la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE a retenu la responsabilité civile des parents parce qu’au cours d’un jeu, leur enfant a voulu en dépasser un autre et l’a involontairement fait glisser, le faisant chuter d’un muret. Leur enfant a donc commis un fait dommageable à l’origine de la chute du second, engageant, par voie de conséquence, la responsabilité civile des parents.
Dans le second arrêt (Cour d’Appel de DOUAI, 3ème Chambre, 16 mars 2017, RG n° 15/07461), les parents ont vu leur responsabilité civile engagée dans la mesure où leur enfant, âgé de 12 ans au moment des faits, a renversé une femme âgée de 66 ans, alors qu’il circulait à bicyclette sur la voie publique.
La responsabilité des parents du fait de leur enfant est donc une responsabilité objective, indépendante de toute idée de faute morale de l’enfant. Il est parfaitement indifférent que l’enfait ait ou non commis une faute ; un simple fait causal suffit.
Une fois encore, cette solution s’explique par le fait que, dans la très grande majorité des cas, les parents sont titulaires d’une assurance couvrant leur responsabilité ainsi que celle de leurs enfants. Ce sont donc les compagnies d’assurance qui seront, au final, tenues d’indemniser les préjudices subis par la victime.
Les causes d’exonération des parents du fait de leur enfant mineur
La responsabilité du fait d’autrui se distingue de la responsabilité du fait personnel en ce qu’elle permet d’engager la responsabilité de tiers, à savoir les parents, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute de leur part.
En effet, pour être indemnisée, la victime n’a pas à démontrer la carence éducative des parents ou un quelconque défaut de surveillance de leur part.
Le simple fait que leur enfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage de la victime suffit à engager leur responsabilité.
A contrario, les parents ne pourront pas tenter de s’exonérer de leur responsabilité en essayant de rapporter la preuve qu’ils n’ont commis aucune faute éducative.
En effet, selon la jurisprudence, la responsabilité des parents du fait de leur enfant est une responsabilité de plein droit.
Aujourd’hui, les deux seules hypothèses dans lesquelles les parents pourront échapper à leur responsabilité sont le cas de force majeure ou la faute de la victime.
S’agissant de la force majeure, celle-ci s’entend d’un fait extérieur, imprévisible et irrésistible pour les parents.
Quant à la faute de la victime, celle-ci fait l’objet d’une appréciation, au cas par cas, par les juridictions.
Suivant les circonstances, cette faute de la victime pourra être, soit totalement, soit partiellement exonératoire de responsabilité pour les parents.
À titre d’exemple, dans l’arrêt rendu le 16 mars 2017 par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE (Cour d’Appel d’IAX EN PROVENCE, 10ème Chambre, 16 mars 2017, RG n° 15/19094), la responsabilité civile des parents a été engagée parce qu’au cours d’un jeu, leur enfant a voulu en dépasser un autre et l’a involontairement fait glisser, ce qui a conduit à sa chute d’un muret.
Toutefois, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE a également relevé que la victime, à savoir l’enfant se trouvant sur le muret, avait commis une faute à l’origine de son dommage. En effet, selon la juridiction, le fait d’être monté sur un muret situé à plusieurs mètres de hauteur et sans aucune protection constituait une faute d’imprudence de la part de la victime, sans laquelle l’accident ne se serait pas produit.
Aussi, selon la Cour d’Appel, cette faute de la victime était de nature à exonérer partiellement les parents de leur responsabilité à hauteur de 25 %. Ainsi, les parents ne seront tenus d’indemniser que 75 % des préjudices subis par l’enfant ayant chuté.
On le voit, les cas dans lesquels les parents peuvent s’exonérer de leur responsabilité, à la suite d’un fait commis par leur enfant, font l’objet d’une appréciation souveraine par les juges du fond.
Toutefois, afin de ne pas laisser la victime sans indemnisation, les causes d’exonération de responsabilité sont appréciées strictement par les juridictions.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.