Rappel des règles déontologiques applicables aux médecins
Un médecin, spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, a accepté d’être filmé lors de ses consultations ainsi que lors de ses interventions chirurgicales et de participer à différentes émissions de télévision, notamment plusieurs épisodes de « La Conciergerie de Jeremstar », repris sur différents sites internet, et l’émission « Tellement Vrai – Les Chirurgiens de la Beauté », diffusée sur la chaîne de télévision NRJ 12 et sur Youtube, dont il avait lui-même commenté le succès sur son profil « Facebook » professionnel.
Ses propos étaient par ailleurs cités dans un article du magazine « Public », portant en une de couverture un titre relatif à une vedette de téléréalité « Nabilla, la vérité sur ses seins », dans lequel il était présenté comme « le chirurgien esthétique des stars ».
Le Conseil Départemental de la Ville de Paris de l’Ordre des Médecins a porté plainte contre ce praticien devant la Chambre Disciplinaire de Première Instance d’Ile-de-France de l’Ordre des Médecins.
Par une décision en date du 21 mai 2015, le médecin a été sanctionné et s’est vu infliger une interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans, dont vingt et un mois assortis du sursis.
Tant le Conseil Départemental de la Ville de Paris de l’Ordre des Médecins que le praticien concerné ont interjeté appel.
Par une décision en date du 13 décembre 2016, la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins a infligé au praticien la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans, dont un an assorti du sursis et décidé que la sanction prendrait effet à compter du 1er mai 2017.
Le praticien sanctionné a alors saisi, à deux reprises, le Conseil d’État, d’une part aux fins de solliciter l’annulation de cette décision et, d’autre part afin de demander la suspension de l’exécution de cette même décision, soutenant que celle-ci entraînerait pour lui des conséquences difficilement réparables pour faire face à ses charges et pour son avenir professionnel mais aussi du fait de son état de santé.
Par arrêt en date du 26 septembre 2018 (Conseil d’État, 4ème et 1ère Chambres Réunies, 26 septembre 2018, N°407856), le Conseil d’État a rejeté le pourvoi formé par le médecin.
Comme le rappelle le Conseil d’État, l’article R.4127-4 du Code de la Santé Publique, relatif au secret professionnel, dispose que :
« Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».
Or, en l’espèce, l’épisode de la série « Les chirurgiens de la beauté », diffusé sur la chaîne NRJ 12, permettait l’identification de la patiente opérée par le chirurgien.
Malgré ses démentis à la suite de la sortie du magazine « Public », le chirurgien n’avait pas contesté être le médecin de la personne dont l’état de santé et l’identité étaient ainsi divulgués.
Alors même que les patientes concernées auraient, par leur participation à ce type d’émissions ou leur consentement à l’article de presse mentionné ci-dessus, sciemment recherché la médiatisation et consenti à la révélation de leur identité, le Conseil d’État considère que le concours apporté par le chirurgien à la divulgation de l’identité des patientes à l’occasion d’émissions ou d’articles était constitutif d’une méconnaissance de l’article R.4127-4 du Code de la Santé Publique, qui prohibe la violation du secret médical.
Le Conseil d’État rappelle ainsi que l’identité d’un patient est une information secrète qui ne doit pas être divulguée, notamment lors de la participation à ce type d’émissions et ce, quand bien même le patient aurait donné son consentement.
En effet, le consentement du patient à la divulgation de son identité n’exonère en rien le médecin de son manquement déontologique.
Il est donc parfaitement indifférent que le patient ait volontairement recherché la médiatisation et donné son accord pour la révélation de son identité.
Par ailleurs, comme le rappelle l’article R.4127-19 du Code de la Santé Publique, relatif à l’exercice de la médecine :
« La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale ».
L’article R.4127-20 ajoute que :
« Le médecin doit veiller à l’usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations.
Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle ».
Le Conseil d’État prend soin de souligner le fait que « ni l’épisode de la série « Les chirurgiens de la beauté » diffusé sur la chaîne « NRJ 12 », ni les émissions diffusées sur le site internet du « blogueur Jeremstar » consacrées à des opérations de chirurgie esthétique réalisées sur des vedettes de « téléralité » n’avaient un caractère purement informatif et qu’elles revêtaient, au moins pour partie, un caractère publicitaire ».
Par conséquent, en participant à ces émissions et en diffusant des commentaires sur les réseaux « Facebook » et « Twitter », le chirurgien esthétique a méconnu les dispositions cumulées des articles R.4127-19 et R.4127-20 du Code de la Santé Publique qui prohibent l’utilisation de procédés publicitaires.
Le Conseil d’État opère donc une distinction entre « information » et « publicité », rappelant ainsi que la médecine n’est pas un commerce.
Enfin, comme le précise l’article R.4127-31 du Code de la Santé Publique :
« Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ».
Selon le Conseil d’Etat, la façon dont le chirurgien esthétique avait, tant par sa participation aux émissions mentionnées ci-dessus que par de nombreux messages sur les réseaux sociaux, vanté sa pratique médicale et « mis en scène » sa vie privée et professionnelle, était constitutive d’un manquement aux dispositions précitées qui prohibent les actes de nature à déconsidérer la profession de médecin.
En conséquence de quoi, le Conseil d’État rejette le pourvoi du praticien et confirme la décision rendue le 13 décembre 2016 par la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins qui a infligé au praticien la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans, dont un an assorti du sursis et décidé que la sanction prendrait effet à compter du 1er mai 2017.