Rappel des conditions d’engagement de la responsabilité personnelle d’un agent public devant le juge judiciaire en cas de faute détachable du service
En octobre et novembre 2015, une patiente est allée consulter un stomatologue, exerçant son activité en secteur public au sein d’un Centre Hospitalier, pour un abcès dentaire.
A la suite de sa prise en charge, la patiente a présenté une cellulite diffusée qui a nécessité, en urgence, le 7 novembre 2015, un drainage de l’abcès avec une trachéotomie et un séjour en service de réanimation jusqu’au 12 novembre 2015.
Le 30 avril 2019, après avoir obtenu en référé la désignation d’un Expert Judiciaire, la patiente a assigné l’agent public en responsabilité et indemnisation devant le juge judiciaire, estimant que ce dernier aurait commis une faute détachable du service.
Par arrêt en date du 13 janvier 2021, la Cour d’Appel d’ORLEANS a estimé que l’agent public n’avait pas pris en charge la patiente conformément aux bonnes pratiques.
Par ailleurs, en dépit de l’examen pratiqué, des douleurs et des malaises rapportés, il n’avait ni proposé d’hospitalisation, ni fait procéder à un scanner en urgence.
De plus, le traitement prescrit était inadapté et insuffisant au vu du tableau clinique.
Enfin, il avait laissé une cellulite évoluer vers une forme diffusée qui aurait pu engager le pronostic vital de la patiente.
Par conséquent, selon la Cour d’Appel d’ORLEANS, ces manquements ne constituaient pas de simples retard, négligence ou désinvolture mais caractérisaient, en raison de leur gravité, une faute personnelle de l’agent public, dépourvue de tout lien avec le service public.
L’agent public et le Centre Hospitalier se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de leur pourvoi, ils rappellent que la responsabilité personnelle d’un agent du service public n’est susceptible d’être engagée devant le juge judiciaire qu’en présence d’une faute détachable de ses fonctions ; que seul le manquement volontaire, c’est-à-dire commis avec une intention incompatible avec la finalité du service et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique, est constitutif d’une faute détachable des fonctions d’agent public.
Or, par arrêt en date du 18 janvier 2023 (Cour de cassation, Civile 1ère, 18 janvier 2023, Pourvoi n°21-13369), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’ORLEANS au visa de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Comme le rappelle la Cour de cassation, un agent public n’engage sa responsabilité personnelle devant la juridiction judiciaire que dans le cas d’une faute personnelle détachable du service, caractérisée par un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique.
Selon la Cour de cassation, malgré toutes les erreurs commises par l’agent public, celles-ci ne constituaient pas un manquement volontaire et inexcusable à ses obligations professionnelles et déontologiques.
La patiente victime ne devait donc pas être indemnisée de ses préjudices directement par l’agent public au titre d’une faute personnelle détachable du service mais bien par le Centre Hospitalier au sein duquel il exerce et ce, devant le juge administratif.