Présomption de faute du chirurgien en cas d’atteinte portée à un organe ou un tissu que son intervention n’impliquait pas
Le 21 mai 2013, après avoir subi une réparation de la coiffe, associée à une acromioplastie sous arthroscopie, réalisée par un chirurgien libéral, un patient a présenté une atteinte de la branche terminale du nerf supra-scapulaire.
Ce dernier a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux de la Région ILE-DE-FRANCE.
A la suite de l’avis rendu par cette dernière le 12 mai 2015, le patient a été indemnisé par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (l’ONIAM) à hauteur de 124.652,30 euros.
Le 10 septembre 2018, l’ONIAM a assigné le chirurgien orthopédique et son assureur responsabilité civile professionnelle en remboursement des sommes versées à la victime.
Par arrêt en date du 10 mars 2022, la Cour d’Appel de DOUAI a fait droit aux demandes de l’ONIAM en retenant, sur la base de l’expertise médicale, que sans établir un risque inhérent à l’intervention, le préjudice subi par le patient ne pouvait résulter que d’une faute médicale du chirurgien, peu important la source exacte de la lésion.
Le chirurgien orthopédique et son assureur ont alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Aux termes de leur pourvoi, ils soutiennent que les juges du fond ont présumé la faute du chirurgien sans rechercher si la survenance d’un risque inhérent à son intervention, que ce dernier ne pouvait pas maitriser, ne permettait pas de caractériser un aléa thérapeutique et donc l’exonérer de sa responsabilité.
Toutefois, par arrêt en date du 25 mai 2023, (Cour de cassation, première chambre civile, 25 mai 2023, n°22-16.848), la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les auteurs au visa de l’article L.1142-1 I du Code de la Santé Publique.
En application des dispositions précitées, la Cour de cassation retient une présomption simple de faute en cas d’atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu non visé par l’intervention.
Elle énonce que cette atteinte « est fautive, en l’absence de preuve par celui-ci d’une anomalie rendant l’atteinte inévitable ou de la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maitrisé, relève de l’aléa thérapeutique ».
En cas d’atteinte portée à un organe ou un tissu non visé par l’opération, il appartient au chirurgien de démontrer, soit l’existence d’une anomalie rendant l’atteinte inévitable, soit la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui ne pouvait être maitrisé.
Or, en l’espèce, la Cour de cassation souligne que « les experts n’avaient envisagé que deux mécanismes susceptibles d’expliquer l’atteinte du nerf, l’un imputable à l’anesthésie, qui avait été exclu en raison des aiguilles utilisées et de l’étendue de l’atteinte, et l’autre imputable à une lésion directe du nerf sus-épineux lors de l’arthrolyse des adhérences entre la coiffe et la face profonde du deltoïde, que, s’ils n’expliquaient pas une telle lésion et estimaient peu plausible un tel mécanisme, l’alternative présentée conduisait nécessairement à retenir la seconde éventualité, qu’aucun risque n’avait été identifié par les experts pour expliquer la survenance d’une telle lésion et que l’étude de la littérature médicale ne rapportait pas de complication de ce type de sorte que l’atteinte était due à une maladresse technique ».
Selon la Cour de cassation, la Cour d’Appel de DOUAI a parfaitement caractérisé la cause de l’atteinte et l’exclusion d’un aléa thérapeutique.
Le chirurgien libéral ayant commis une faute lors de l’intervention sur son patient, son assureur responsabilité civile sera donc tenu de rembourser l’ONIAM.
Article rédigé avec la participation de Madame Léa BUSSEREAU, stagiaire