Offre d’indemnisation tardive et incomplète par l’assureur automobile : rappel des règles en cas de pluralité d’assurances et en cas de demande de pièces justificatives à la victime 

Offre d’indemnisation tardive et incomplète par l’assureur automobile
Publié le 14/10/24

Le 16 janvier 2011, un mineur a été victime d’un accident de la circulation, alors qu’il était passager d’un véhicule conduit par son père ; assuré par la société SERENIS.

Dans cet accident de la circulation était également impliqué un second véhicule assuré par la société MATMUT.

A compter du 17 juillet 2012, la société SERENIS a versé plusieurs provisions à la victime. 

Le médecin conseil de la société SERENIS a déposé un rapport d’expertise amiable le 28 juin 2016, fixant la date de consolidation du mineur au 24 mai 2016.

Contestant les conclusions de ce rapport amiable, la victime et ses parents ont sollicité l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.

Après cette expertise judiciaire, la victime et ses parents ont assigné la MATMUT devant le Tribunal Judiciaire territorialement aux fins d’indemnisation de leurs préjudices, aux côtés des tiers payeurs. 

Toutefois, par arrêt en date du 18 août 2022, la Cour d’Appel de BOURGES a débouté la victime et ses parents de leur demande tendant à la condamnation de la MATMUT au versement de pénalités en raison de son offre d’indemnisation tardive et incomplète. 

La victime et ses parents se sont donc pourvus en cassation à l’encontre de cette décision. 

Or, par arrêt en date du 20 juin 2024 (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 juin 2024, Pourvoi n°22-22491), la Cour de cassation a infirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BOURGES et fait droit à l’argumentation développée par la victime et ses parents.

Comme le rappelle la Cour de cassation s’agissant des délais relatifs à l’offre d’indemnisation amiable, il résulte des articles L.211-9 et L.211-13 du Code des Assurances que l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l’intérêt légal, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jours de l’offre ou du jugement devenu définitif.

Pour débouter la victime de sa demande d’assortir l’indemnité accordée d’intérêts au double du taux légal à compter du 17 septembre 2021, à l’expiration du délai de 8 mois à compter de l’accident, la Cour d’Appel de BOURGES relève que la procédure d’indemnisation du dommage a été initialement menée par la société SERENIS, qui a versé des provisions et fait procéder à une expertise amiable sans y associer la MATMUT, et qu’il ne résulte pas des courriers accompagnant les provisions versées par la société SERENIS que cette dernière aurait agi en qualité de mandataire de la MATMUT, de sorte que la sanction résultant de l’article L.211-13 trouve son application pour la seule période courant à partir du 24 avril 2017, terme du délai de 5 mois à partir du jour où la MATMUT a eu connaissance de la date de consolidation de la victime par transmission par la société SERENIS du rapport d’expertise amiable du 28 juin 2016.

Toutefois, la Cour de cassation censure ce raisonnement.

Comme le précise la Cour de cassation, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnisation dans les délais légaux.

La MATMUT garantissant la responsabilité du conducteur du véhicule impliqué dans l’accident était donc tenue de présenter cette offre dans les délais prévus par le Code des Assurances, peu importe que la procédure d’indemnisation ait été initiée avec la société SERENIS.

Ne l’ayant pas fait, elle sera tenue de payer des intérêts au double du taux d’intérêt légal.

Par ailleurs, comme le rappelle la Cour de cassation s’agissant du formalisme de l’offre d’indemnisation adressée par l’assureur automobile, il résulte des dispositions des articles L.211-9 et L.211-13 du Code des Assurances que l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice.

Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

De plus, en application des articles R.211-37 et R.211-39 du Code des Assurances, la victime est tenue, à la demande de l’assureur, de lui donner les renseignements concernant le montant de ses revenus professionnels avec les justificatifs utiles, ainsi que la description des atteintes à sa personne accompagnée d’une copie du certificat médical initial et autres pièces justificatives en cas de consolidation.

La correspondance adressée à cette fin par l’assureur mentionne les informations prévues à l’article L.211-10 du Code des Assurances et rappelle à l’intéressé les conséquences d’un défaut de réponse ou d’une réponse incomplète.

Pour décider que le doublement du taux de l’intérêt légal devait courir jusqu’à la date de l’offre et non pas jusqu’à la date de l’arrêt et fixer en conséquence l’assiette de la pénalité, la Cour d’Appel  de BOURGES énonce que l’offre formulée par la MATMUT le 2 mai 2017 ne présente aucun caractère incomplet ou manifestement insuffisant et que celle-ci n’a pas écarté le principe d’une indemnisation du préjudice d’agrément mais a simplement réservé ce poste de préjudice « dans l’attente de précisions ». 

Une fois encore, la Cour de cassation censure ce raisonnement. 

Comme le souligne la Cour de cassation, l’offre de l’assureur ne comprenait pas tous les éléments indemnisables du préjudice.

Selon la Cour de cassation, une simple demande de justificatifs émanant de l’assureur, dont elle faisait le constat, ne peut être assimilée à la correspondance prévue par l’article R.21139 du Code des Assurances. 

L’offre de la MATMUT étant incomplète et cette dernière n’ayant pas, dans les règles prévues par le Code des Assurances, sollicité valablement les pièces justificatives nécessaires auprès de la victime, l’assureur automobile sera tenu au doublement du taux de l’intérêt légal jusqu’à la date de l’arrêt et non de l’offre. 

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