Obligation de sécurité de résultat pour la société organisatrice de sauts à l’élastique
En l’espèce, une femme a été blessée alors qu’elle effectuait un saut à l’élastique (fracture parcellaire du trochiter droit et contracture du trapèze droit sur toutes ses insertions cervicales).
Estimant que la responsabilité de la société organisatrice du saut était engagée, la participante l’a assigné en justice afin d’obtenir la réparation intégrale de ses préjudices sur le fondement de l’article 1147 du Code civil.
Dans un arrêt en date du 4 juin 2015, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE a fait droit à cette demande indemnitaire et a condamné la société organisatrice du saut à l’élastique à indemniser la participante.
La société organisatrice s’est alors pourvue en cassation.
Or, dans son arrêt en date du 30 novembre 2016 (Cour de cassation, Civile 1ère, 30 novembre 2016, Pouvoi n°15-25249), la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer l’arrêt attaqué en rappelant que la société organisatrice du saut à l’élastique était tenue d’une obligation de sécurité de résultat, envers ses participants et, qu’en l’espèce, la participante rapportait bien la preuve du lien de causalité direct et certain entre, d’une part son saut, et d’autre part ses préjudices.
L’obligation de sécurité de résultat de la société organisatrice du saut à l’élastique
Les organisateurs d’activités sportives ou de loisirs sont tenus, envers leurs participants mais également envers leurs spectateurs, d’une obligation de sécurité.
Traditionnellement, cette obligation de sécurité est qualifiée « de moyens » par la Cour de cassation ; cela signifie qu’il appartient à la victime de rapporter la preuve que l’organisateur de l’activité sportive ou de loisir a effectivement commis une faute dans l’organisation de l’évènement (Ex : absence de mise en place de barrières de sécurité lors d’une compétition cycliste, absence de mise en place d’un dispositif lumineux au sol dans une salle obscure…).
Cependant, pour certaines activités spécifiques, la Cour de cassation a fait le choix de renforcer l’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’organisateur.
L’obligation de sécurité n’est plus alors qualifiée « de moyens » mais « de moyens renforcés » voire de « résultat ».
En cas d’obligation de résultat, la simple réalisation du risque suffit à engager la responsabilité de l’organisateur, sauf à ce que ce dernier puisse rapporter la preuve d’une cause étrangère (force majeure).
L’obligation de sécurité de résultat concerne principalement les activités sportives ou de loisirs dangereux et fait l’objet d’une appréciation, au cas par cas, suivant les faits de l’espèce.
Le critère principal permettant de choisir entre « obligation de sécurité de moyens » et « obligation de sécurité de résultat » est le rôle actif ou non du participant dans sa propre sécurité.
Il convient de se demander si le participant maîtrise totalement sa propre sécurité ou s’il a abandonné, à l’organisateur, le soin de prévenir tout accident.
En l’espèce, dans l’arrêt en date du 30 novembre 2016 (Cour de cassation, Civile 1ère, 30 novembre 2016, Pouvoi n°15-25249), une femme a été blessée au cours d’un saut à l’élastique.
Comme le rappelle la Cour de cassation :
« le participant à une activité de saut à l’élastique ne contribue pas à sa sécurité par son comportement, la seule initiative qu’il peut avoir résidant dans la décision de sauter ou non et dans la force de l’impulsion donnée, qu’il ne dispose d’aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu’il court en sautant et s’en remet donc totalement à l’organisateur pour assurer sa sécurité, de sorte qu’aucun élément ne permet de considérer qu’il joue un rôle actif au cours du saut ».
Ainsi, selon la Cour de cassation, en matière de saut à l’élastique, le participant n’a aucune maîtrise et abandonne totalement sa propre sécurité à l’organisateur du saut.
La Cour de cassation qualifie donc l’obligation de sécurité de l’organisateur du saut à l’élastique, d’obligation de sécurité de résultat.
« la cour d’appel en a exactement déduit, sans être tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, que l’obligation contractuelle de sécurité de l’organisateur d’une telle activité est une obligation de résultat ».
Par conséquent, en matière de saut à l’élastique, la simple réalisation d’un accident, suffira à engager la responsabilité de l’organisateur du saut, sauf cas de force majeure et sous réserve que la victime rapporte bien la preuve du lien de causalité entre son accident et ses préjudices.
La charge de la preuve du lien de causalité
En l’espèce, outre l’existence d’une obligation de sécurité de résultat à sa charge, l’organisateur du saut à l’élastique contestait tout lien de causalité entre le saut de la participante et les préjudices qu’elle invoquait.
Selon l’organisateur, ce n’est que le lendemain du saut à l’élastique que la participante se serait vue diagnostiquer sa fracture de l’épaule et sa contracture.
Par ailleurs, après son saut, la participante aurait préféré remonter, non pas à l’aide d’un treuil, mais par ses propres moyens, en empruntant un chemin escarpé nécessitant une bonne condition physique, avant de repartir directement chez elle.
La participante ne rapportait donc pas, selon l’organisateur, la preuve du lien de causalité direct et certain entre, d’une part son saut et, d’autre part ses préjudices.
Or, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, la charge de la preuve du lien de causalité entre l’accident et les préjudices appartient à la victime.
La participante doit donc démontrer que son saut est à l’origine de sa fracture et de sa contracture pour que la responsabilité de l’organisateur puisse être engagée.
Le respect de cette condition relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Néanmoins, comme le note la Cour de cassation :
« la cour d’appel a constaté que Mme X… avait ressenti, dès le saut, une douleur à l’épaule dont elle s’était immédiatement plainte et dont elle avait fait part au moniteur se trouvant à l’arrivée, et qui était liée à la blessure médicalement constatée le lendemain ; qu’ayant ainsi caractérisé l’existence d’un lien de causalité entre le dommage invoqué et le saut, la cour d’appel, qui a considéré que les imprécisions affectant l’attestation produite par la victime sur certains points ne permettait pas de douter de sa sincérité et qui n’a pas exigé la preuve impossible d’un fait négatif en retenant que la société Latitude ne produisait aucun élément permettant d’exclure qu’un à-coup lié à la position de Mme X… lors du saut ou qu’une boucle dans l’élastique ou dans les autres liens puisse être à l’origine du traumatisme de l’épaule subi par la victime, a légalement justifié sa décision ».
Dès lors, selon la Cour de cassation, la victime rapportait bien la preuve du lien de causalité entre, d’une part son saut et, d’autre part ses préjudices.
Par conséquent, en présence, tout d’abord d’une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’organisateur du saut à l’élastique et, ensuite d’un lien de causalité direct et certain entre le saut et ses blessures, la victime a pu obtenir la réparation intégrale de ses préjudices.