Obligation de formation du salarié intérimaire affecté à un poste à risque par l’entreprise utilisatrice
Le 21 octobre 2005, la salariée d’une entreprise de travail temporaire, mise à la disposition d’une entreprise utilisatrice et affectée au poste de pareuse (personne en charge de la préparation de la viande), s’est gravement blessé avec un couteau.
À la suite de cet accident du travail, la salariée intérimaire a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par arrêt en date du 21 juin 2017, la Cour d’Appel de RENNES a fait droit à cette demande.
L’entreprise utilisatrice a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.
Pour ce faire, l’entreprise utilisatrice rappelle qu’elle avait institutionnalisé un système de remplacement automatique, sur simple demande du salarié, des couteaux usés.
Par ailleurs, lesdits couteaux avaient été remplacés, à neuf, quatre jours seulement avant l’accident de la salariée intérimaire.
En outre, l’entreprise utilisatrice avait mis à la disposition de chaque employé des gants de protection anti-coupure et anti-piqûre dont l’usage leur avait été expliqué.
Enfin, les couteaux mis à la disposition des salariés étaient aux normes.
Par conséquent, l’entreprise utilisatrice estime que toutes les mesures nécessaires avaient été mises en place pour prévenir les risques liés au poste de pareur et que l’employeur ne pouvait donc avoir conscience du danger, de telle sorte que sa faute inexcusable ne pouvait être reconnue.
Cependant, dans son arrêt en date du 11 octobre 2018 (Cour de cassation, Civile 2ème, 11 octobre 2018, Pourvoi n°17-23694), la Cour de cassation rejette l’argumentation formulée par l’entreprise utilisatrice et confirme l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RENNES.
En effet, comme le rappelle l’article L.4154-3 du Code de la Sécurité Sociale :
« La faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L.4154-2 ».
L’article L.4154-2 du même code précise quant à lui que :
« Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.
La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, s’il existe. Elle lest tenue à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1 ».
L’article L.4154-3 du Code de la Sécurité Sociale érige donc, à l’encontre de l’employeur, une présomption de faute inexcusable au profit des salariés intérimaires, affectés à un poste présentant des risques particuliers et victimes d’un accident du travail.
Comme le rappelle la Cour de cassation, cette présomption de faute inexcusable « ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation prévue par l’article L.4154-2 du même code ».
En l’espèce, la salariée intérimaire, mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, a bien été affectée à un poste présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité des salariés.
Or, l’entreprise l’utilisatrice ne rapporte pas la preuve qu’elle a dispensé à la salariée intérimaire une formation renforcée à la sécurité au sens de l’article L.4153 du Code de la Sécurité Sociale.
Par conséquent, la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice doit être présumée.
Cette dernière sera donc tenue d’indemniser la salariée à la suite de son accident du travail.