Nécessité de la motivation de l’ordonnance de désignation d’un administrateur ad hoc en matière pénale
A la suite de révélations faites par une mineure de moins de 15 ans, une enquête a été menée pour des faits d’agressions sexuelles commis sur sa personne par son frère.
Le 7 avril 2021, une information judiciaire a été ouverte des chefs d’agressions sexuelles incestueuses sur mineure de 15 ans et de viols incestueux sur mineure de 15 ans, pour lesquels le frère a été mis en examen.
Le 15 avril 2021, un avis à se constituer partie civile a été adressée aux représentants légaux de la victime mineure.
Le 18 juin 2021, à la suite d’une erreur de distribution, le Juge d’Instruction a transmis un nouvel avis à la mère de la mineure.
Par ordonnance du 5 juillet 2021, le Juge d’Instruction a désigné un administrateur ad hoc dans l’intérêt de la victime mineure.
Le 12 juillet 2021, le Juge d’Instruction a reçu la constitution de partie civile de la mère en tant que représentante légale de sa fille mineure.
L’avocat de la mère a interjeté appel de l’ordonnance précitée de désignation d’un administrateur ad hoc.
Par arrêt en date du 6 janvier 2022, la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de VERSAILLES a infirmé l’ordonnance attaquée.
Pour ce faire, l’arrêt énonce que la mère de la victime mineure a accompli un certain nombre de démarches pour protéger sa fille mineure, une fois les faits d’agressions sexuelles portés à sa connaissance, et l’a accompagnée à chaque étape de la procédure.
Elle n’a aucunement cherché à couvrir ou à minimiser les agissements sexuels que son fils avait commis sur sa sœur et a séparé la fratrie afin d’éviter toute réitération dès qu’elle en a eu connaissance.
Les juges ajoutent que le retard pris à se constituer partie civile est imputable non à sa négligence, mais à l’acheminement des courriers.
Ils énoncent que l’existence d’un conflit d’intérêts lié au fait qu’elle soit la mère à la fois de l’auteur et de la victime des faits n’est pas de nature à entraver la protection des intérêts de la mineure.
Ils en déduisent que la mère n’a pas été défaillante dans la protection des intérêts de sa fille et qu’aucun élément ne justifie la désignation d’un administrateur ad hoc.
L’administratrice ad hoc s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle que la désignation d’un administrateur ad hoc s’impose lorsque la protection des intérêts de l’enfant n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux.
Selon elle, la mère se trouve en situation de conflits d’intérêts dès lors qu’elle est à la fois mère de la victime mineure et mère de l’auteur des faits et, en tant que telle, pouvait être déclarée civilement responsable des actes de ce dernier.
De plus, en s’abstenant de rechercher si, quand bien même les risques seraient limités, cette situation n’était pas de nature à établir que la protection de la mineure n’était pas complètement assurée, les Juges ont insuffisamment motivé leur décision.
Or, par arrêt en date du 11 octobre 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 2022, Pourvoi n°22-81126), la Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de VERSAILLES et rejeté l’argumentation développée par l’administratrice ad hoc.
Comme le rappelle la Cour de cassation, selon l’article 20 de la directive 2012/29/UE du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, le mineur victime a, par principe, au cours d’une enquête pénale, le droit d’être accompagné de son représentant légal ou d’une personne de son choix, sauf disposition contraire motivée.
Aux termes de l’article 706-50 du Code de Procédure Pénale, le Procureur de la République ou le Juge d’Instruction, saisi de faits commis volontairement à l’encontre d’un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux.
Il en résulte que, d’une part, la seule circonstance que les faits sont qualifiés d’incestueux ne peut suffire à justifier la désignation d’un administrateur ad hoc.
D’autre part, il appartient au magistrat qui procède à une telle désignation de motiver l’insuffisante capacité des représentants légaux à assurer complètement la protection du mineur, à partir de son appréciation souveraine des circonstances des faits.
En l’état, la Cour de cassation estime que la Chambre de l’Instruction n’a méconnu aucun des textes susvisés en infirmant l’ordonnance désignant un administrateur ad hoc.
Il convient donc de veiller à la motivation de l’ordonnance désignant un administrateur ad hoc, faute de quoi celle-ci pourrait être annulée.