L’obligation d’information des professionnels et établissements de santé en matière de technique opératoire nouvelle
Le 25 octobre 2005, la Centre Hospitalier Universitaire de NICE a proposé à un patient de bénéficier d’une technique opératoire nouvelle, censée permettre une récupération plus rapide mais qui n’avait, jusqu’alors, été appliquée qu’à un nombre très limité de patients.
Le patient a accepté l’utilisation de cette technique nouvelle.
Toutefois, à la suite de l’intervention chirurgicale, le patient a conservé des séquelles imputables à la mise en œuvre de cette nouvelle technique dont il a sollicité l’indemnisation.
Par jugement en date du 22 novembre 2013, le Tribunal Administratif de NICE a partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires dirigées à l’encontre du Centre Hospitalier Universitaire de NICE.
Par arrêt en date du 7 janvier 2016, la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE a retenu que les médecins avaient commis une faute en n’informant pas le patient sur le fait que les risques de la méthode opératoire n’étaient pas suffisamment connus et en ne lui présentant que les avantages de cette technique.
La Cour Administrative de MARSEILLE a alors mis à la charge de l’établissement de santé la réparation d’une perte de chance d’éviter le dommage, imputable à ce défaut d’information, qu’elle a évalué à 50 %.
Cependant, le Centre Hospitalier Universitaire de NICE s’est pourvu en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Or, dans son arrêt en date du 10 mai 2017 (Conseil d’État, 5ème et 4ème Chambres réunies, 10 mai 2017, N°397840), le Conseil d’État a confirmé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE au visa de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique.
L’article précité (issu de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) consacre, au profit des malades, un droit à l’information.
Ce droit doit permettre aux patients de consentir, de façon éclairée, aux actes médicaux qui les concernent et susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique.
A contrario, les professionnels de santé sont tenus à une obligation d’information envers leurs patients.
Comme le rappelle l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, cette information porte :
« sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Il peut donc aussi bien s’agir des risques de décès ou d’invalidité, que des risques fréquents ou graves.
Par ailleurs, un risque exceptionnel ne dispense pas un médecin d’informer son patient.
En pratique, seuls l’urgence, l’impossibilité et le refus du patient d’être informé permettent aux professionnels de s’exonérer de leur obligation d’information.
Dans son arrêt en date du 10 mai 2017 (Conseil d’État, 5ème et 4ème Chambres réunies, 10 mai 2017, N°397840), le Conseil d’État vient préciser que cette obligation d’information, à la charge des professionnels et des établissements de santé, s’applique également en matière de technique opératoire nouvelle.
En effet, le Conseil d’État précise que :
« lorsqu’il est envisagé de recourir à une technique d’investigation, de traitement ou de prévention dont les risques ne peuvent être suffisamment évalués à la date de consultation, notamment parce que cette technique est récente et n’a été mise en œuvre qu’à l’égard d’un nombre limité de patients, l’information du patient doit porter à la fois sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles déjà identifiés de cette technique et sur le fait que l’absence d’un recul suffisant ne permet pas d’exclure l’existence d’autres risques ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que le patient :
« n’avait pas été informé de l’insuffisante connaissance des risques de la technique opératoire innovante qui lui était proposée ».
Par conséquent, le patient n’ayant pas été informé sur le fait que les risques liés à cette technique opératoire nouvelle n’étaient pas encore parfaitement connus, le Centre Hospitalier Universitaire de NICE a commis un manquement à son devoir d’information engageant sa responsabilité et ouvrant droit à indemnisation pour la victime.
Toutefois, comme le rappelait la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE, dans son arrêt en date du 7 janvier 2016, l’indemnisation du patient ne saurait être équivalente à l’atteinte à l’intégrité physique elle-même mais correspond à la perte de chance d’éviter le dommage, d’éviter que le risque ne se réalise.
Au cas présent, en étant valablement informé par le Centre Hospitalier Universitaire de NICE sur l’incertitude quant aux risques liés à cette technique opératoire nouvelle, le patient aurait pu, soit renoncer à cette intervention innovante et préférer une autre technique plus ancienne avec une récupération plus lente, soit accepter, en connaissance de cause, la nouvelle technique opératoire.
En pratique, la perte de chance est évaluée en pourcentage et dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond en fonction des circonstances du dossier.
En l’espèce, la perte de chance a été évaluée à 50 % et le patient s’est vu allouer la somme de 14.465,50 euros par le Centre Hospitalier Universitaire de NICE.