L’obligation d’information des professionnels de santé en matière d’accouchements
À la suite d’un premier accouchement par césarienne, une femme s’est présentée, le 13 janvier 2010, au sein du Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS pour accoucher de son second enfant.
Alors que ce second accouchement avait été initié par voie basse, le fœtus a commencé a présenter des troubles du rythme cardiaque, consécutifs à une rupture utérine et qui ont immédiatement justifié la réalisation d’une césarienne en urgence.
Toutefois, à sa naissance, l’enfant a présenté de graves lésions cérébrales.
Les parents de l’enfant ont alors décidé de saisir le Juge des Référés du Tribunal Administratif de POITIERS aux fins de sa voir allouer une indemnité provisionnelle dans l’attente de l’indemnisation définitive de leurs préjudices (somme provisoire allouée à une partie avant qu’un jugement définitif ne soit rendu sur la responsabilité et sur l’évaluation des préjudices).
Par ordonnance en date du 5 novembre 2013, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de POITIERS a rejeté leur demande indemnitaire.
Les parents ont interjeté appel de cette décision devant le Juge des Référés de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, lequel a annulé l’ordonnance rendue en première instance et alloué aux parents la somme provisionnelle de 25 000 euros.
Cependant, le Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS a décidé de se pourvoir en cassation à l’encontre de cette décision.
Par un arrêt en date du 27 juin 2016 (Conseil d’Etat, 5ème et 4ème Chambres Réunies, 27 juin 2016, N°386165), le Conseil d’Etat a constaté que le Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS avait manqué à son obligation d’information et a condamné l’établissement de santé à verser aux parents la somme provisionnelle de 25 000 euros.
L’existence d’une obligation d’information à la charge des établissements de santé en matières d’accouchements
L’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique (issu de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) consacre au profit des malades un droit à l’information.
Ce droit doit permettre aux patients de consentir, de façon éclairée, aux actes médicaux qui les concernent et susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique.
A contrario, les professionnels de santé sont donc tenus d’une obligation d’information envers leurs patients.
Comme le rappelle l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, cette information porte :
« sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Il peut donc aussi bien s’agir des risques de décès ou d’invalidité, que des risques fréquents ou graves.
Par ailleurs, un risque exceptionnel ne dispense pas un médecin d’informer son patient.
En pratique, seuls l’urgence, l’impossibilité et le refus du patient d’être informé permettent aux professionnels de s’exonérer de leur obligation d’information.
Dans son arrêt en date du 27 juin 2016 (Conseil d’Etat, 5ème et 4ème Chambres Réunies, 27 juin 2016, N°386165), le Conseil d’Etat vient préciser que cette obligation d’information, à la charge des professionnels de santé, s’applique également en matière d’accouchement.
En effet, même si l’accouchement par voie basse constitue un acte naturel et non un acte médical au sens des dispositions du Code de la Santé Publique, le professionnel de santé était tenu d’informer sa patiente sur l’ensemble des risques liés à son accouchement.
En l’espèce, lors de sa première grossesse la patiente avait été contrainte d’accoucher par césarienne.
Compte tenu de cet état antérieur, il existait, en cas d’accouchement par voie basse ultérieur, un risque connu de rupture utérine pouvant être à l’origine de conséquences graves pour l’enfant si une césarienne réalisée en urgence ne permettait pas son extraction dans les plus brefs délais.
À l’inverse, le risque de rupture utérine était moindre en cas d’accouchement par césarienne.
Aussi, ce risque connu et grave justifiait que le professionnel de santé informe sa patiente sur les risques liés à son second accouchement.
Les professionnels de santé ayant pris en charge la patiente étaient donc tenus de l’informer sur les risques liés aux deux voies d’accouchement afin que la patiente puisse faire son choix de façon éclairé.
La charge de la preuve de la délivrance de cette information incombe aux centres hospitaliers
En application de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, il appartient aux professionnels de santé de rapporter la preuve que cette information a été valablement donné au patient.
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens.
En pratique, cette preuve sera établie, dans la majorité des cas, par la présence, au sein du dossier médical, d’une feuille d’information contresignée par le patient, d’une feuille de consentement éclairé et/ou par des mentions manuscrites en marge du dossier médical.
Or, en l’espèce, dans son arrêt en date du 27 juin 2016, le Conseil d’Etat prend soin de constater que le Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS ne démontre pas avoir informé la patiente sur les risques respectifs d’un accouchement par voie basse et d’un accouchement par césarienne.
En l’absence d’information, la mère n’a donc pas été en mesure de choisir, en connaissance de cause, la voie d’accouchement la plus à même de garantir sa santé et celle de son enfant à naître.
Le défaut d’information engage la responsabilité de l’établissement de santé et ouvre droit à indemnisation pour la patiente
Le Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS a donc manqué à son obligation d’information envers sa patiente.
Ce manquement engage sa responsabilité civile et ouvre droit à indemnisation pour les parents et l’enfant né avec de graves lésions cérébrales.
Toutefois, comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’indemnisation ne saurait être équivalente à l’atteinte à l’intégrité physique elle-même mais correspond à la perte de chance d’éviter le dommage, d’éviter que le risque ne se réalise.
Au cas présent, en étant valablement informée par le Centre Hospitalier de POITIERS, la patiente aurait pu renoncer à un accouchement par voie basse, préférer un accouchement par césarienne et ainsi éviter le risque de rupture utérine.
En pratique, cette perte de chance est évaluée en pourcentage et dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond en fonction des circonstances du dossier.
En l’espèce, les parents se sont vus allouer la somme provisionnelle de 25 000, à valoir sur l’indemnisation définitive de leurs préjudices, laquelle relève de la compétence des juges du fond.