L’indemnisation de la perte de gains professionnels s’évalue avant impôt

Actualité Tondu Avocat L’indemnisation de la perte de gains professionnels s’évalue avant impôt
Publié le 3/08/20

Afin d’harmoniser les règles d’indemnisation des préjudices subis par les victimes, une nomenclature des postes de préjudice a été adoptée au cours de l’année 2006, appelée nomenclature Dintilhac.

Cette nomenclature repose sur une triple distinction des postes de préjudice :

  •  La distinction entre les préjudices subis par la victime directe et les préjudices subis par les victimes indirectes, aussi appelées victimes par ricochet ;
  •  La distinction entre les préjudices patrimoniaux et ceux de nature extrapatrimoniale ;
  •  La distinction entre les préjudices temporaires et ceux de nature permanente ou définitive ;

Par ailleurs, la nomenclature Dintilhac énumère une liste, non limitative, de postes de préjudices ouvrant droit à indemnisation au profit de la victime, dont les Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA).

La nomenclature Dintilhac prévoit de :

« cantonner les pertes de gains liées à l’incapacité provisoire de travail à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est-à-dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage. Il s’agit là de compenser une invalidité temporaire spécifique qui concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation.

 Bien sûr, ces pertes de gains peuvent être totales, c’est-à-dire priver la victime de la totalité des revenus qu’elle aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l’absence de survenance du dommage, ou être partielles, c’est-à-dire la priver d’une partie de ses revenus sur cette période.

L’évaluation judiciaire ou amiable de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation ».

 S’agissant des Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPF), la nomenclature Dintilhac expose que :

« Il s’agit ici d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite d’un dommage.

 Il s’agit d’indemniser une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraine une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

 En outre, concernant les jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels, il conviendra de prendre en compte pour l’avenir la privation de ressources professionnelles engendrées par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation.

 De ce poste de préjudice, devront être déduites, les prestations servies à la victime par les organismes de sécurité sociale (pensions d’invalidité et rentes accidents du travail), les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assureurs (prestations longue durée d’invalidité et d’accidents du travail), de même que par les employeurs publics (allocations temporaires d’invalidité, pensions et rentes viagères d’invalidité), qui tendent à indemniser, le plus souvent de manière forfaitaire, partant de manière partielle, l’incapacité invalidante permanente subie par la victime afin d’éviter soit que celle-ci ne bénéficie d’une double indemnisation de son préjudice sur ce point, soit que le recours exercé par l’organisme tiers payeur ne réduise les sommes dues à la victime ».

Par un arrêt en date du 17 mars 2020 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mars 2020, Pourvoi n°19-81332), la Cour de cassation est venue rappeler que le calcul de l’indemnisation des pertes de gains professionnels actuels et futurs d’une victime doit se faire avant impôt.

 En l’espèce, le 26 mai 2011, une personne a été victime d’un accident de la circulation.

 Le conducteur impliqué dans cet accident a été déclaré coupable de blessures involontaires aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieur à 3mois au préjudice de la victime qui travail en Suisse et qui s’est constituée partie civile lors du procès.

 L’affaire a alors été renvoyée sur intérêts civils pour l’indemnisation des préjudices subis par la victime.

 Aux termes du rapport d’expertise, la date de consolidation de l’état de santé de la victime a été fixé au 7 juin 2012.

 Le rapport d’expertise a, par ailleurs, mis en évidence plusieurs arrêts de travail subis par la victime entre mai et août 2011 ainsi qu’en mars 2013, soit avant et après la consolidation de son état de santé.

 Le Tribunal Correctionnel, statuant sur intérêts civils, a notamment fixé à une certaine somme le montant des pertes de gains professionnels actuels et futurs de la victime à la suite de son accident de la circulation.

 Un appel a été interjeté à l’encontre du jugement rendu en première instance.

 Or, par arrêt en date du 21 novembre 2018, la Cour d’Appel de CHAMBERY a procédé au calcul des pertes de gains professionnels actuels et futurs de la victime en se basant sur son salaire net « après impôt ».

 Un pourvoi en cassation a alors été formé.

 Aux termes de ce pourvoi, il est rappelé que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime ; la Cour d’appel n’aurait donc pas dû tenir compte de l’impôt pour le calcul des pertes de gains professionnels de la victime.

 Par arrêt en date du 17 mars 2020 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mars 2020, Pourvoi n°19-81332), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel de CHAMBERY au visa des articles 1240 du Code civil et 2 du Code de procédure pénale.

 Selon la Cour de cassation, il se déduit de ces textes que les dispositions relatives aux impôts sur le revenu sont sans incidence sur les obligations du responsable d’un dommage corporel et sur le droit à réparation de la victime.

 La Cour d’appel de CHAMBERY aurait donc dû prendre en compte le salaire avant impôt et non après impôt pour le calcul des pertes de gains professionnels actuels et futurs subies par la victime à la suite de son accident de la circulation.

 En effet, les dispositions fiscales sont sans incidence sur le droit à réparation de la victime.

 Cette dernière verra donc son indemnisation majorée.

 Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.

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