Les juges du fond sont tenus d’examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties, notamment les rapports des médecins conseils

Les juges du fond sont tenus d’examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties, notamment les rapports des médecins conseils
Publié le 27/01/25

Une patiente, qui présentait un rétinoschisis d’un œil, a subi plusieurs interventions chirurgicales afin d’y remédier les 22 septembre, 6 octobre, 27 octobre 2011 et 16 janvier 2012.

Invoquant une perte importante de son acuité visuelle avec une amputation du champ visuel périphérique de cet œil, consécutive à ces opérations, la patiente a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (la CCI) de la Région AQUITAINE qui, après avoir ordonné une expertise, a estimé qu’elle avait été victime d’un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation par la solidarité nationale.

L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (l’ONIAM) a alors adressé une offre d’indemnisation amiable à la patiente.

Estimant cette offre insuffisante, la patiente a assigné l’ONIAM en réparation de ses préjudices.

Toutefois, par arrêt en date du 29 mars 2023, la Cour d’Appel d’AGEN a débouté la patiente de l’intégralité de ses demandes indemnitaires à l’encontre de l’ONIAM.

La Cour d’Appel d’AGEN a en effet estimé qu’il résulte du rapport de l’Expert désigné par la CCI que les interventions n’ont pas permis d’améliorer l’état de la patiente mais qu’il n’est pas établi qu’elles ont aggravé cet état ni qu’elles ont entraîné de nouvelles complications.

Selon la Cour d’Appel d’AGEN, la patiente a été victime d’un échec thérapeutique non indemnisable au titre de la solidarité nationale.

Cette dernière s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, elle fait grief à la Cour d’Appel d’AGEN de ne pas avoir examiné et analysé, même sommairement, la note produite par son médecin conseil, qui avait assisté aux opérations d’expertise et qui avait été ultérieurement consulté.

Aux termes de cette note, le médecin conseil de la patiente émettait l’avis que la notion d’échec thérapeutique ne pouvait s’appliquer dès lors qu’on n’était pas en présence d’une aggravation en rapport avec l’évolution de l’étant antérieur mais de conséquences des complications des deux premières interventions, à savoir un décollement choroïdien, une hémorragie persistante au décours du premier geste, incoercible lors du second, le développement d’un ulcère cornéen et un processus de fibrose, de sorte que l’état de la patiente ne correspondait pas à l’évolution de sa pathologie initiale « mais bien des conséquences cumulées de l’ensemble de ces complications de l’acte de soin, obérant toute possibilité de restaurer une fonction visuelle malgré les gestes chirurgicaux complémentaires ».  

Or, par arrêt en date du 16 octobre 2024 (Cour de cassation, Civile 1ère, 16 octobre 2024, Pourvoi n°23-16608), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la patiente et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AGEN et ce, au visa des articles 455 et 563 du Code de Procédure Civile.

Comme le rappelle la Cour de cassation, il résulte de ces textes que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

Sans qu’il résulte de sa décision qu’elle avait bien examiné la note médicale produite par la patiente pour la première fois en appel, selon laquelle les préjudices subis ne résultaient pas de l’évolution de son état antérieur mais de conséquences des complications des deux premières interventions, la Cour d’Appel d’AGEN a violé les dispositions précitées.

Elle était en effet tenue d’examiner le rapport du médecin conseil de la victime avant de rendre sa décision.  

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