Les fautes commises par un médecin libéral peuvent être de nature à engager la responsabilité d’un établissement public de santé
A la suite de la réalisation, en mars 2015, d’une radiographie et d’une scintigraphie osseuse laissant apparaître une tumeur osseuse, un homme a été hospitalisé, le 26 mars 2015, au sein du Centre Hospitalier de VICHY et y a subi un enclouage de l’humérus avec alésage.
Cette opération a été pratiquée, au sein du Centre Hospitalier de VICHY, par le praticien hospitalier qui l’avait suivi auparavant dans le cadre de son activité libérale.
Estimant que des fautes liées au retard de diagnostic de sa maladie osseuse, au choix de l’indication thérapeutique dont la mise en œuvre était de nature à favoriser l’essaimage de cellules cancéreuses dans les tissus mous et à un manquement quant à l’obligation d’information préalable à cette intervention avaient été commises, le patient a saisi le Tribunal Administratif de CLERMONT-FERRAND d’une demande de réparation dirigée contre l’établissement public de santé.
Par jugement en date du 22 novembre 2018, le Tribunal Administratif de CLERMONT-FERRAND a condamné le Centre Hospitalier de VICHY à indemniser les ayants droits du patient, décédé en cours de procédure, à hauteur de 9.938 euros en raison du choix thérapeutique erroné.
Par arrêt, en date du 24 septembre 2020, la Cour Administrative d’Appel de LYON a, sur appel des ayants droits du patient décédé, porté à 27.500 euros le montant de la condamnation du Centre Hospitalier de VICHY.
Ce dernier s’est alors pourvu en cassation afin de solliciter l’annulation de l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de LYON.
Toutefois, par arrêt en date du 6 octobre 2022 (Conseil d’Etat, 5ème et 6ème Chambres Réunies, 6 octobre 2022, N°446764), le Conseil d’Etat a rejeté l’argumentation développée par le Centre Hospitalier de VICHY et confirmé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de LYON.
Comme le rappelle le Conseil d’Etat s’agissant de l’indication thérapeutique, alors que les actes réalisés par des praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale relèvent du droit privé, la responsabilité de l’établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l’activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée dès lors que les dommages invoqués sont imputables à un mauvais fonctionnement du service public résultant soit d’une mauvaise installation des locaux, soit d’un matériel défectueux, soit d’une faute commise par un agent de l’établissement mis à disposition du praticien exerçant à titre libéral.
Par ailleurs, il appartient au praticien qui réalise une intervention chirurgicale de s’assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l’indication thérapeutique sur la base de laquelle elle a été prescrite.
Il s’ensuit que lorsque l’intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l’indication thérapeutique dans l’exercice de son activité libérale, la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l’exécution de l’opération n’a pas été, par elle-même, fautive.
Il est toutefois loisible à l’établissement public de former une action récursoire contre l’auteur initial du choix thérapeutique à l’origine de la faute commise.
Pour retenir la responsabilité du Centre Hospitalier de VICHY, la Cour Administrative d’Appel de LYON, ayant constaté que le même médecin avait reçu en consultation le patient dans un cadre libéral, puis l’avait opéré dans le cadre du service public hospitalier, s’est, à titre principal, fondée, non sur l’indication thérapeutique erronée postée à l’issue de la consultation, mais sur la faute consistant à avoir pratiqué dans le cadre du service public une intervention chirurgicale inadaptée à la pathologie du patient, dont elle a constaté qu’elle était de nature à porter, en elle-même, l’intégralité du dommage.
En statuant ainsi et en jugeant que l’intégralité de la réparation pouvait être mise à la charge du Centre Hospitalier de VICHY, la Cour Administrative d’Appel de LYON, qui n’a pas exclu la possibilité d’une action récursoire contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise par ce dernier, n’a pas commis d’erreur de droit, ni inexactement qualifiés les faits qui lui étaient soumis.
Ensuite, s’agissant de l’obligation d’information, le Conseil d’Etat précise que lorsqu’un praticien hospitalier réalise, dans le cadre du service public hospitalier, une intervention chirurgicale sur un patient qu’il a suivi jusqu’à cette hospitalisation au titre de son activité libérale, l’information sur les risques attachés à cette intervention doit avoir été délivrée, en principe, par ce praticien hospitalier, dans le cadre de la prise en charge du patient effectuée au titre de son activité libérale.
Toutefois, en cas d’omission ou d’insuffisance de l’information délivrée par le praticien dans le cadre de son activité libérale, et si cette information n’a pas été délivrée dans le cadre de la prise en charge par le service public hospitalier, le patient, peut se prévaloir du manquement qui résulte de ce défaut d’information pour rechercher la responsabilité de l’établissement public de santé, sans préjudice de l’action récursoire que cet établissement peut former contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise dans le cadre de son activité libérale.
Pour retenir la responsabilité du Centre Hospitalier de VICHY au titre d’un défaut d’information, la Cour Administrative d’Appel de LYON a estimé, à juste titre, que l’établissement public de santé n’avait pas établi que le patient avait bien bénéficié de l’information prévue aux dispositions de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique.
Par conséquent, force est de constater que les fautes commises par un médecin libéral peuvent être de nature à engager la responsabilité d’un établissement public de santé.