L’absence de consolidation de la victime ne fait pas obstacle à l’indemnisation du déficit fonctionnel
Après avoir reçu plusieurs culots de sang lors de sa naissance le 21 octobre 1983, un homme a présenté une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), diagnostiquée en 1986, et a déclaré un sida en 1991.
Le 16 février 1993, le Fonds d’Indemnisations des transfusés et hémophiles l’a indemnisé d’un préjudice spécifique de contamination.
En mars 2005, le patient a développé une leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP) en lien avec sa contamination, dont il a conservé d’importantes séquelles cérébrales.
Sa mère, désignée en qualité de tutrice, a saisi l’Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (l’ONIAM) d’une demande d’indemnisation complémentaire.
Après avoir ordonné une expertise, l’ONIAM a indemnisé les préjudices économiques et rejeté la demande relative aux déficits fonctionnels temporaire et permanent subis par la victime.
La mère a alors formé un recours devant la Cour d’Appel qui a statué après avoir ordonné une nouvelle expertise.
Par arrêt en date du 25 novembre 2019, la Cour d’Appel de PARIS a rejeté la demande d’indemnisation de la victime au titre de ses déficits fonctionnel temporaire et permanent.
Pour ce faire, la Cour d’Appel de PARIS a estimé que le préjudice spécifique de contamination dont avait déjà été indemnisée la victime le 16 février 1993 incluait « l’ensemble des affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie ».
Par ailleurs, les déficits fonctionnels temporaire et permanent ne pouvaient pas être indemnisés dès lors que le VIH est une maladie évolutive, donc non consolidable.
La mère s’est donc pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle que le préjudice spécifique de contamination ne saurait inclure les « affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie » dans la mesure où il n’indemnise que l’angoisse suscitée par le risque d’affections opportunes.
De plus, selon la victime, l’absence de consolidation de son état de santé à la suite d’une contamination au VIH ne fait pas obstacle à l’indemnisation de son déficit fonctionnel.
Par arrêt en date du 16 mars 2022 (Cour de cassation, Civile 1ère, 16 mars 2022, Pourvoi n°20-12020), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS et fait droit à l’argumentation développée par la victime.
Comme le rappelle la Cour de cassation :
« Le préjudice spécifique de contamination comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique et d’agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d’affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n’inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections ».
Par conséquent, le préjudicie spécifique de contamination n’inclut pas le déficit fonctionnel.
En outre, comme le précise la Cour de cassation, l’absence de consolidation de la victime contaminée au VIH ne fait pas obstacle à l’indemnisation du déficit fonctionnel qui est éprouvé à la suite de cette contamination et de ses conséquences.
Dès lors, même en l’absence de consolidation de son état de santé, la victime d’une contamination au VIH peut obtenir la réparation de son déficit fonctionnel.
Article rédigé avec la participation de Madame Bertille COUTELLE, stagiaire en M2 de Droit de la Santé.