La qualité d’héritier n’est pas exigée pour être indemnisée par l’ONIAM
Une patiente, âgée de 14 ans au moment des faits, est décédée en 2010 des suites d’un accident ischémique survenu au cours d’une intervention chirurgicale, réalisée le 7 avril 2008 au sein du Centre Hospitalier Universitaire de POITIERS.
Ses parents, agissant tant en leurs noms personnels qu’en qualité de représentants légaux de leurs deux autres filles mineures, ont sollicité la réparation, d’une part des souffrances endurées par leur enfant décédé et, d’autre part des préjudices qu’ils ont personnellement souffert.
Les parents étant divorcés depuis 2006, leurs nouveaux conjoints respectifs ont également demandé à être indemnisés des préjudices résultant pour eux du décès de la jeune fille.
Par jugement en date du 19 novembre 2014, le Tribunal Administratif de POITIERS a condamné l’ONIAM à verser aux proches de la victime la somme totale de 113.146,35 euros, dont 8.000 euros chacun pour les beaux-parents de la jeune fille.
Par arrêt en date du 11 juillet 2017, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a annulé le jugement précité en tant qu’il allouait des indemnités aux beaux-parents de la jeune fille décédée.
Selon la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, les beaux-parents ne pouvaient prétendre à aucune indemnisation dans la mesure où ils ne possédaient pas la qualité d’héritiers ou de légataires de la victime.
Ces derniers se sont alors pourvus en cassation.
Par arrêt en date du 3 juin 2019 (Conseil d’Etat, 3 juin 2019, N°414098), le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX et condamné l’ONIAM a indemnisé les beaux parents de la victime.
En effet, comme le rappelle l’article L.1142-1 II du Code de la Santé Publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, applicable au litige porté devant les juges du fond :
« Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patients, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la dure de l’incapacité temporaire de travail ».
Comme le souligne le Conseil d’Etat, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, à conditions d’avoir d’entretenu avec elle des liens étroits et de subir, du fait de son décès, un préjudice direct et certain.
Or, en l’espèce, depuis leur divorce prononcé en 2006, les parents de la jeune fille en assuraient la garde alternée.
Leurs nouveaux conjoints respectifs ont noué des liens affectifs étroits avec l’adolescente et ont été très présents à ses côtés, notamment à la suite de l’accident ischémique dont elle a été victime en 2008.
Par conséquent, les beaux-parents de la jeune fille décédée étaient bien fondés, selon le Conseil d’Etat, à solliciter une indemnisation au titre de leur préjudice moral.
Dès lors, le Conseil d’Etat condamne l’ONIAM à verser à chacun des deux beaux-parents la somme de 6.000 euros au titre de leur préjudice moral.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.