Jugement correctionnel déclarant un prévenu entièrement responsable des conséquences d’un accident de la circulation et tentative de limiter le droit à indemnisation de la victime sur intérêts civils

Alors qu’il circulait au guidon de son scooter, le conducteur en a perdu la maîtrise et a percuté un véhicule en stationnement, est tombé au sol et a été écrasé par un véhicule automobile.
Le conducteur du scooter est décédé dans les suites de cet accident.
Par un jugement du Tribunal Correctionnel en date du 12 juillet 2019, le conducteur de la voiture a été déclaré coupable d’homicide involontaire aggravé.
Le Tribunal Correctionnel a reçu les constitutions de partie civile des proches du défunt, déclaré le conducteur de la voiture tenu d’indemniser l’entier préjudice subi par les parties civiles, renvoyé l’examen des demandes indemnitaires de ces dernières à une audience ultérieure et déclaré le jugement opposable à l’assureur automobile du prévenu.
Le prévenu et l’assureur automobile n’ont pas interjeté appel de ce jugement correctionnel.
Par jugement en date du 3 février 2021, le Tribunal statuant sur intérêts civils a rappelé qu’il n’y avait pas lieu à limitation du droit à indemnisation des parties civiles et a alloué diverses sommes à ces dernières en réparation de leurs préjudices.
Par arrêt en date du 12 avril 2023, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de BASTIA a confirmé qu’il n’y avait pas lieu à limitation du droit à indemnisation des victimes, a condamné le prévenu à verser différentes indemnités à ces dernières et a déclaré le jugement opposable à l’assureur automobile.
Pour ce faire, la Cour d’Appel de BASTIA a notamment retenu que les circonstances dans lesquelles les collisions s’étaient déroulées ne caractérisaient pas un accident unique.
En effet, l’accident s’était déroulé, selon elle, en deux phases distinctes, le conducteur du scooter ayant, dans un premier temps, heurté un véhicule en stationnement, puis, dans un second temps, éjecté de son scooter du fait de ce choc, été écrasé par un véhicule en circulation.
Au moment où elle a été percutée par la voiture, la victime n’était plus conductrice du scooter mais piéton.
Aucune limitation du droit à indemnisation des proches ne pouvait intervenir en l’espèce.
L’assureur automobile s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’Appel de BASTIA.
Aux termes de son pourvoi, il soutient que les collisions successives intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu constituent le même accident au sens de la législation sur les accidents de la circulation.
La qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident complexe au cours duquel des collisions se succèdent dans un enchainement continu et dans un même laps temps.
Etant conductrice au moment de son accident, la victime pouvait donc se voir opposer une éventuelle faute de sa part et voir limiter le droit à indemnisation de ses proches.
Cependant, par arrêt en date du 28 janvier 2025 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 2025, Pourvoi n°23-82823), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation de l’assureur automobile et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BASTIA.
Comme le souligne la Cour de cassation, dès lors que le prévenu avait été précédemment déclaré, par un jugement non frappé d’appel, entièrement responsable des conséquences de l’accident, les juges ont surabondamment tranché la question du droit à indemnisation des parties civiles dont ils n’étaient plus saisis.
Dans la mesure où le jugement correctionnel avait déclaré le prévenu définitivement et entièrement responsable, il n’était plus possible, au stade des intérêts civils, de rediscuter d’une limitation du droit à indemnisation des proches en raison d’une éventuelle faute de la victime décédée dans l’accident de la circulation.