Indemnisation de l’Assistance par une Tierce Personne : Pas de réduction lorsqu’elle est assurée par les proches de la victime
Afin d’harmoniser les règles d’indemnisation des préjudices subis par les victimes, une nomenclature des postes de préjudice a été adoptée au cours de l’année 2006, appelée nomenclature Dintilhac.
Cette nomenclature repose sur une triple distinction des postes de préjudice :
- La distinction entre les préjudices subis par la victime directe et les préjudices subis par les victimes indirectes, aussi appelées victimes par ricochet ;
- La distinction entre les préjudices patrimoniaux et ceux de nature extrapatrimoniale ;
- La distinction entre les préjudices temporaires et ceux de nature permanente ou définitive ;
Par ailleurs, la nomenclature Dintilhac énumère une liste, non limitative, de postes de préjudices ouvrants droits à indemnisation au profit de la victime dont l’Assistance par une Tierce Personne.
La nomenclature Dintilhac définit ce poste de préjudice de la façon suivante :
« Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce-personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne.
Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.
Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d’être indemnisées au titre du poste Frais Divers ».
Si à la suite d’un accident, une victime a besoin de l’assistance d’une tierce personne pour accomplir certains ou l’intégralité des actes de la vie quotidienne, elle pourra solliciter une indemnisation à ce titre afin de faire face aux frais engendrés par la mise en place de cette aide.
L’indemnisation de l’Assistance par une Tierce Personne au profit de la victime poursuit, selon la nomenclature Dintilhac, un quadruple objectif :
- Assister la victime dans les actes de la vie quotidienne ;
- Préserver la sécurité de la victime et de ses proches ;
- Restaurer la dignité de la victime ;
- Suppléer la perte d’autonomie de la victime.
Le type d’aide dont aura besoin la victime dépendra bien évidemment des séquelles fonctionnelles et neurologiques qu’elle aura conservées à la suite de son accident.
En fonction de son degré d’autonomie et de son degré d’indépendance, il sera possible de mettre en place alternativement ou cumulativement une aide de stimulation, une aide de substitution ou une aide de surveillance.
La victime dispose d’une liberté de choix, quant à la mise en place de cette aide ; la victime peut avoir recours à une aide salariée, faire appel à une société prestataire de service ou avoir recours à l’aide familiale.
La durée journalière ou hebdomadaire de cette aide variera également en fonction de la gravité des séquelles de la victime.
Dans la très grande majorité des cas, le besoin en aide humaine sera apprécié au cours d’une expertise où il appartiendra à la victime de rapporter la preuve du principe et de l’étendue de son besoin ainsi que du degré de qualification nécessaire de cette aide.
En ce qui concerne l’indemnisation de ce poste de préjudice, celle-ci fait l’objet d’une appréciation in concreto, par les juridictions, en fonction du type d’aide, de la durée de l’aide, du degré de qualification nécessaire, des besoins de la victime, des dépenses nécessaires…
En tout état de cause, l’indemnisation allouée à la victime ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de sa famille ou un proche.
C’est d’ailleurs ce que vient de rappeler le Conseil d’État dans un arrêt en date du 25 mai 2018 (Conseil d’État, 25 mai 2018, N°393827).
En l’espèce, lors d’une intervention chirurgicale, réalisée le 27 janvier 2005 au sein du Centre Hospitalier Régional Universitaire de TOURS, un enfant, âgé d’un an au moment des faits, a été victime d’une anoxie cérébrale à l’origine d’un déficit fonctionnel permanent de 97%.
Par arrêt en date du 24 juillet 2015, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a mis l’indemnisation de la victime à la charge de l’ONIAM sur le fondement de l’article L.1142-1, II du Code de la Santé Publique.
Aux termes de cet arrêt, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a notamment condamné l’ONIAM à verser à la victime une indemnité au titre de l’Assistance par une Tierce Personne dès lors que l’enfant ne peut subvenir seul à aucun de ses besoins et ce, compte tenu de son handicap.
Pour ce faire, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a retenu un taux horaire de 10 euros, rappelant que l’aide humaine apportée par l’enfant était assurée par sa mère.
Cette dernière s’est alors pourvue en cassation.
Or, dans son arrêt en date du 25 mai 2018 (Conseil d’État, 25 mai 2018, N°393827), le Conseil d’État a censuré l’argumentation retenue par la Cour Administrative d’Appel de NANTES relative au taux horaire.
Comme le rappelle le Conseil d’État :
« lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d’un dommage corporel la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne, il détermine le montant de l’indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir ; qu’il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l’espèce, le recours à l’aide professionnelle d’une tierce personne d’un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier ; qu’il n’appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l’aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime ».
Le Conseil d’Etat ajoute qu’en l’espèce :
« en tenant compte de la circonstance que l’assistance nécessaire au jeune B… était assurée par sa mère pour réparer ce poste de préjudice sur la base d’un taux horaire de 10 euros, inférieur, à la date de sa décision, au salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales dues par l’employeur, et pour écarter toute prise en compte des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés, la cour administrative d’appel a méconnu les principes énoncés ci-dessus et commis une erreur de droit qui justifie, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’annulation de son arrêt en tant qu’il statut sur l’indemnisation de la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne ».
Comme le rappelle le Conseil d’État, l’indemnisation allouée à la victime, au titre de l’Assistance par une Tierce Personne ne peut pas être réduite lorsqu’elle est assurée par un proche.
Elle doit faire l’objet des mêmes règles de calcul que lorsque cette aide est salariée ou apportée par un prestataire de service.
Ainsi, pour tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus à l’article L.3133-1 du Code du Travail, l’indemnisation doit être calculée sur 412 jours (soit une année de 366 jours + 5 semaines de congés payés + 10 jours fériés).
Par ailleurs, l’indemnisation doit tenir compte du SMIC et des cotisations sociales.
Ensuite, il convient de faire varier le taux horaire en fonction de la gravité du handicap et du degré de technicité de l’aide, peu important que l’aide soit, en réalité, apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
En l’état, le Conseil d’État a retenu un taux horaire variant entre 13 et 14 euros suivant les périodes.
Enfin, comme le rappelle le Conseil d’État, l’indemnisation de cette aide humaine devra évoluer dans le temps en fonction des besoins et du mode de prise en charge de la victime.