Harcèlement moral d’élèves de maternelles par un agent territorial. L’agent territorial est pénalement responsable et l’Etat civilement responsable

Harcèlement moral d’élèves de maternelles par un agent territorial L’agent territorial est pénalement responsable et l’Etat civilement responsable
Publié le 18/04/22

Une femme  a été poursuivie devant un Tribunal Correctionnel pour des faits de harcèlement moral sur deux enfants scolarisés dans l’école où elle exerçait les fonctions d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, avec la circonstance aggravante qu’ils étaient mineurs de 15 ans. 

Par jugement en date du 22 juin 2020, le Tribunal Correctionnel l’a condamnée à 6 mois de sursis probatoire, une interdiction professionnelle définitive et a statué sur les actions civiles.

L’agent territorial et le Procureur de la République ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 1er avril 2021, la Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel de GRENOBLE l’a condamnée à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, une interdiction professionnelle définitive et 2 ans d’inéligibilité.

Par ailleurs, les constitutions de partie civile des victimes ont été déclarées recevables et l’agent territorial a été déclaré civilement responsable du préjudice subi par les parties civiles. 

L’agent territorial a donc été personnellement condamné à indemniser les victimes, raison pour laquelle elle s’est pourvue en cassation.

Aux termes de son pourvoi, l’agent territorial rappelle notamment qu’en application de l’article L.911-4 du Code de l’Education, lorsque la responsabilité d’un membre de l’enseignement public se trouve engagée à la suite d’un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle de ce membre qui ne peut jamais être mise en cause devant les Tribunaux Civils par la victime ou ses représentants.

Qu’en l’ayant condamnée à verser des dommages et intérêts aux parties civiles aux motifs qu’elle aurait commis une faute détachable de ses fonctions, circonstance qui n’était, même à supposer ce caractère détachable avéré, pas de nature à entraîner la compétence du juge judiciaire, la Cour d’Appel de GRENOBLE aurait méconnu les dispositions de l’article L.911-4 du Code de l’’Education. 

Par arrêt en date du 2 février 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 2 février 2022, Pourvoi n°21-82535), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par l’agent territorial et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de GRENOBLE.

En effet, l’article L.911-4 du Code de l’Education dispose que : 

« Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’enseignement ou d’éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.

L’action récursoire peut être exercée par l’Etat soit contre le membre de l’enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun.

Dans l’action principale, les membres de l’enseignement public contre lesquels l’Etat pourrait éventuellement exercer l’action récursoire ne peuvent être entendus comme témoins.

L’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l’autorité académique compétente.

La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis ».

Comme le rappelle la Cour de cassation, lorsque la responsabilité d’un membre de l’enseignement public se trouve engagée à la suite d’un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle de l’enseignant, qui ne peut jamais être mis en cause devant les Tribunaux Civils par la victime ou ses représentants. L’action en responsabilité, exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droits, intentée contre l’Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le Tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et est dirigée contre l’autorité académique compétente.

La Cour de cassation ajoute que doit être considéré comme membre de l’enseignement public, au sens du texte susvisé, l’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, qui appartient à la communauté éducative et remplit une mission d’accueil des élèves, d’assistance pédagogique et de surveillance, auquel est imputée une faute pénale commise à l’occasion d’activités scolaires ou périscolaires, d’enseignement ou de surveillance.

En application des dispositions précitées, la Chambres des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel de GRENOBLE ne pouvait donc pas, après avoir déclarée la prévenue coupable de harcèlement moral aggravé, condamner cette dernière à payer des dommages et intérêts aux parties civiles. 

Il ressort des dispositions de l’article L.911-4 du Code de l’Education et de cet arrêt de la Cour de cassation qu’en cas d’infraction pénale commise par un membre de l’enseignement public sur des élèves : 

  • Le membre de l’enseignement public sera pénalement responsable ; 
  • Le membre de l’enseignement public ne sera pas civilement responsable à l’égard de la victime ou de ses ayants droit ; 
  • En revanche, l’Etat sera civilement responsable à l’égard de la victime ou de ses ayants droit ; 
  • Le Tribunal Judiciaire du lieu où le dommage a été causé sera compétent pour connaître de l’action en responsabilité contre l’Etat ; 
  • Enfin, l’Etat pourra, le cas échéant, exercer une action récursoire contre le membre de l’enseignement public devant les juridictions administratives ; 

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