Handicap non décelé lors de la grossesse et droit à indemnisation des parents
Une patiente a été prise en charge au sein du Centre Hospitalier de CHARTRES pour le suivi de sa grossesse.
A la naissance, le 30 août 2011, il est apparu que l’enfant était atteint d’une malformation cardiaque inter-ventriculaire et d’une trisomie 21 non diagnostiquées lors de la grossesse.
Par ordonnance en date du 19 juin 2012, le Juge des Référés du Tribunal Administratif d’ORLEANS, saisi à la demande de la mère et de son conjoint, a ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.
L’Expert Judiciaire a déposé son rapport le 13 mars 2013.
Par jugement en date du 4 juin 2015, le Tribunal Administratif d’ORLEANS a reconnu la responsabilité du Centre Hospitalier de CHARTRES et condamné ce dernier à verser aux requérants la somme de 40.000 euros chacun.
Par arrêt en date du 6 octobre 2017, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a annulé le jugement rendu par le Tribunal Administratif d’ORLEANS et rejeté la demande indemnitaire de la mère et de son conjoint.
Ces derniers se sont alors pourvus en cassation.
Par arrêt en date du 18 juin 2019 (Conseil d’Etat, 18 juin 2019, N° 417272), le Conseil d’Etat a, à son tour, annulé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de NANTES.
Comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’article L.114-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles dispose que :
« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.
Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale ».
Il ressort des éléments du dossier que les échographies des deuxième et troisième trimestres, pratiquées les 22 mai et 12 juillet 2011, avaient notamment pour objet d’apprécier la morphologie du cœur, en particulier les quatre cavités cardiaques et la position des gros vaisseaux, en vue notamment de détecter une malformation cardiaque inter-ventriculaire qui est présente chez la moitié des fœtus atteints de trisomie 21.
Aux termes de son rapport, l’Expert Judiciaire souligne que les clichés réalisés lors du suivi de la grossesse étaient respectivement de qualité « moyenne » et « médiocre », ce qu’admettait le médecin conseil du Centre Hospitalier de CHARTRES.
En se fondant sur les seuls comptes rendus d’examen échographiques, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a néanmoins considéré que ces clichés avaient permis à la sage-femme les ayant réalisés de vérifier la présence de quatre cavités cardiaques équilibrées et le croisement des gros vaisseaux.
Or, l’Expert Judiciaire, qui avait par ailleurs souligné la brièveté du temps d’examen de chacune des échographies et le caractère stéréotypé de leurs comptes rendus, avait pourtant relevé, sans être contredit par le médecin conseil du Centre Hospitalier de CHARTRES, qu’il était impossible d’objectiver les quatre cavités cardiaques, l’équilibre des cavités et la position des gros vaisseaux sur les clichés réalisés.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le Conseil d’Etat considère que la Cour Administrative d’Appel de NANTES a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
Par conséquent, le Conseil d’Etat annule l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de NANTES en ce qu’il a rejeté la condamnation du Centre Hospitalier de CHARTRES.
Ce dernier sera donc tenu d’indemniser les parents, au titre de leur seul préjudice, en raison de la négligence commise dans le suivi de la grossesse et du handicap non décelé avant la naissance.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.