Frais de logement adapté consécutifs à une situation de handicap : Indemnisation possible de l’acquisition d’un terrain comportant une piscine, de l’installation et du renouvellement du système de mise à l’eau et des frais annexes

Frais de logement adapté consécutifs à une situation de handicap : Indemnisation possible de l’acquisition d’un terrain comportant une piscine, de l’installation et du renouvellement du système de mise à l’eau et des frais annexes
Publié le 22/07/24

Un motard a été victime d’un accident de la circulation à l’origine d’un handicap lourd, rendant nécessaire son placement sous mesure de tutelle. 

Par jugement devenu définitif sur l’action publique, le Tribunal Correctionnel a déclaré le conducteur du véhicule automobile ayant percuté le motard coupable du chef de blessures involontaires. 

Le conducteur de la voiture a également été déclaré entièrement responsable de l’accident. 

L’ensemble des préjudices subis par la victime ont été indemnisés dans le cadre d’un accord amiable avec l’assureur du véhicule automobile, à l’exception toutefois des frais liés à la nécessité d’un logement adapté. 

Par jugement ultérieur, statuant sur intérêts civils, le Tribunal Correctionnel a condamné le conducteur du véhicule automobile à payer au motard une somme de 979.292,52 euros au titre des frais de logement adapté.

Un appel a été interjeté à la suite de ce jugement. 

Par arrêt en date du 20 mars 2023, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de MONTPELLIER a condamné le conducteur responsable de l’accident à payer à la victime, en réparation de ses frais de logement adapté, la somme totale de 1.077.018,05 euros.

Cette somme correspond notamment à l’acquisition d’un terrain comportant une piscine, l’installation et le renouvellement sur celle-ci d’un système de mise à l’eau adapté au handicap, les frais supplémentaires de consommation d’eau et le surcoût de l’entretien liés à la piscine et au jardin. 

Un pourvoi en cassation a été formé à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, le conducteur responsable de l’accident rappelle que la responsabilité a pour objet de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il en résulte pour elle une perte ou un profit.

Or, en indemnisant le coût de l’acquisition, de l’aménagement, de l’entretien et de l’utilisation d’un logement qui « disposait d’un terrain plus vase que le logement précédent » et qui, surtout, « était agrémenté d’une piscine », alors qu’il résultait de ses propres constatations que la victime ne disposait pas de tels équipements avant l’accident, et en jugeant inopérante la question de « savoir si la baignade est médicalement préconisée ou pas par rapport à l’état de santé de la victime », la Cour d’Appel aurait violé le principe de la réparation intégrale.

Par ailleurs, la privation des agréments normaux de l’existence avait déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Enfin, l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs avait également été indemnisée au titre du préjudice d’agrément.

La Cour d’Appel aurait donc, une nouvelle fois, violé le principe de la réparation intégrale. 

Toutefois, par arrêt en date du 22 mai 2024 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 2024, Pourvoi n°23-82907), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté l’argumentation du responsable de l’accident et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de MONTPELLIER.

Comme le rappelle la Cour de cassation : 

« Pour condamner M. [G] à payer à la partie civile une somme totale de 1 077 018,05 euros au titre des frais de logement et d’équipements adaptés, frais d’entretien et de renouvellement et surcoût de charges, incluant l’acquisition d’un terrain comportant une piscine, l’installation et le renouvellement sur celle-ci d’un système de mise à l’eau adapté au handicap de M. [Y], les frais supplémentaires de consommation d’eau et le surcoût d’entretien liés à la piscine et au jardin, l’arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que dès lors que l’intéressé n’est plus capable d’accéder, même avec l’aide d’une tierce personne, à des équipements publics de loisir ou de baignade comme il aurait pu le faire avant les faits, l’acquisition d’une maison édifiée sur un terrain plus vaste et agrémenté d’une piscine où il peut bénéficier aisément de la baignade ne constitue aucun enrichissement et participe de besoins directement inhérents au lourd handicap dont il souffre du fait de l’accident.

Les juges soulignent que le bien immobilier acquis par M. [Y], dont les plans et photographies sont versés aux débats, correspond à un besoin directement en lien avec le fait dommageable et ne présente aucun caractère somptuaire par rapport à ce qui est nécessaire pour satisfaire dignement son mode de vie avec sa famille dans des conditions aussi proches que possibles de celles qui auraient été les siennes dans la région de [Localité 2] si le fait dommageable n’était pas survenu, compte tenu du cadre de vie proche du littoral dont il bénéficiait antérieurement.

Ils ajoutent que l’impératif d’assurer une réparation intégrale du préjudice justifie que soient donnés à M. [Y] les moyens techniques de pouvoir retrouver chez lui l’accès à des loisirs élémentaires dont il se trouve privé dans son quotidien en raison de son handicap, la baignade s’avérant au surplus bénéfique à l’apaisement des tensions résultant de la triplégie dont il est atteint.

Les juges constatent que M. [Y] se trouve, du fait de son handicap, placé dans l’incapacité totale d’entretenir une piscine et un jardin.

Ils retiennent que le surcoût d’entretien de ces équipements sera mis pour moitié à la charge de M. [G], la compagne de M. [Y] demeurant apte à assumer sa part de frais qui lui incombent conjointement.

En l’état de ces seules énonciations relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait débattus devant elle, dont il résulte que les aménagements concernés et leur entretien ne constituent aucun enrichissement et n’ont pour objet que de procurer à la partie civile un logement lui garantissant des conditions de vie les plus équivalentes possible à celles qu’elle connaissait avant son accident, la cour d’appel n’a pas méconnu le principe visé au moyen 
».

Par conséquent, l’assureur du responsable de l’accident de la circulation sera tenu d’indemniser l’acquisition du terrain comportant la piscine, les frais liés à l’installation et au renouvellement du système de mise à l’eau adapté au handicap, les frais supplémentaires de consommation d’eau et le surcoût de l’entretien liés à la piscine et au jardin.

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