Épilation au laser : condamnation d’un médecin pour complicité d’exercice illégal de la médecine et complicité de blessures involontaires
Une femme s’est rendue dans un centre esthétique, exploité par la société Personalia, afin d’y subir plusieurs séances d’épilation au laser.
À la suite d’une de ces séances, réalisée le 25 mars 2011, par une employée du centre esthétique, la cliente a présenté des brûlures cutanées et muqueuses justifiant une incapacité temporaire de travail de quatre jours.
La société Personalia, son gérant et le médecin, responsable médical du centre, ont alors été poursuivis devant le Tribunal Correctionnel de PARIS pour complicité d’exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, le médecin a également été poursuivi pour complicité de blessures involontaires.
Le Tribunal Correctionnel de PARIS les a alors condamnés pour les faits reprochés.
Tant les prévenus que le Ministère Public ont décidé d’interjeter appel de cette décision.
La Cour d’Appel de PARIS, dans son arrêt en date du 24 juin 2015, a confirmé le jugement attaqué et condamné le médecin, la société exploitante et son gérant, respectivement à 8.000 euros, 10.000 euros et 4.000 euros d’amende, outre les intérêts civils.
Le médecin, la société Personalia et son gérant se sont pourvus en cassation.
Néanmoins, dans son arrêt en date du 13 septembre 2016 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 septembre 2016, Pourvoi n° 15-85046), la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS.
Selon la Cour de cassation, en laissant sans surveillance médicale sérieuse, des esthéticiennes et des secrétaires médicales, qui n’avaient reçu que quelques heures de formation, pratiquer des séances d’épilation au laser sur des clientes, le médecin, la société exploitant le centre d’épilation et son gérant se sont rendus coupables de complicité d’exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, le médecin s’est également rendu coupable de complicité de blessures involontaires.
Ils ont donc été condamnés au paiement d’une amende et déclarés responsables des préjudices subis par la victime.
La réglementation encadrant l’épilation au laser
L’article L.4161-1 1° du Code de la Santé Publique dispose que :
« Exerce illégalement la médecine :
1° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d’un médecin, à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu’ils soient, ou pratique l’un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Académie nationale de médecine, sans être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article L. 4131-1 et exigé pour l’exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 ».
L’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins précise à cette fin que :
« Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l’article L. 372 (1°) du code de la santé publique, les actes médicaux suivants :
1° Toute mobilisation forcée des articulations et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes manipulations vertébrales, et, d’une façon générale, tous les traitements dits d’ostéopathie, de spondylothérapie (ou vertébrothérapie) et de chiropraxie.
2° Le massage prostatique.
3° Le massage gynécologique.
4° Tout acte de physiothérapie aboutissant à la destruction si limitée soit-elle des téguments, et notamment la cryothérapie, l’électrolyse, l’électro-coagulation et la diathermo-coagulation.
5° Tout mode d’épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire.
6° Toute abrasion instrumentale des téguments à l’aide d’un matériel susceptible de provoquer l’effusion du sang (rabotage, meulage, fraisage).
7° (supprimé)
8° Audiométrie tonale et vocale à l’exclusion des mesures pratiquées pour l’appareillage des déficients de l’ouïe, en application des dispositions de l’article L. 510-1 du code de la santé publique ».
Enfin, l’article 2 de l’arrêté du 30 janvier 1974 relatif à la réglementation relative aux lasers à usage médical rappelle que :
« Les lasers à usage médical sont des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ».
Il ressort donc de ces différents articles que l’exercice illégal de la médecine est réprimé et sanctionné pénalement.
Or, traditionnellement, seuls les médecins peuvent procéder à des mesures d’épilation, à l’exception toutefois des épilations à la pince et à la cire.
Au surplus, les lasers à usage médical ne peuvent être utilisés que par des médecins ou sous leur responsabilité.
Par conséquent, en application combinée de ces différents textes, les esthéticiennes ou les secrétaires médicales ne peuvent, en aucun cas, procéder seules à des mesures d’épilation au laser.
Ces épilations ne peuvent être réalisées que par des médecins ou sous la surveillance et le contrôle d’un docteur en médecine.
À défaut, les esthéticiennes ou les secrétaires médicales se rendent coupables d’exercice illégal de la médecine et peuvent être sanctionnées pénalement.
Ainsi, dans un arrêt en date du 8 janvier 2008 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 janvier 2008, Pourvoi n° 07-81193), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a condamné un professeur de gymastique, qui exploitait un club de sport et qui avait créé, en complément de cette activité, un institut d’épilation au laser, à une amende de 2.000 euros.
Il s’agit d’une solution classique, régulièrement rappelée par la Cour de cassation.
Les épilations au laser ne peuvent donc être pratiquées que par des médecins ou sous la surveillance et le contrôle d’un médecin.
La condamnation des complices de l’exercice illégal de la médecine et des blessures involontaires
L’innovation de l’arrêt, rendu le 13 septembre 2016, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 septembre 2016, Pourvoi n° 15-85046), tient au fait qu’il sanctionne, pour la première fois, les complices de l’exercice illégal de la médecine résultant de l’épilation au laser, pratiquée par des esthéticiennes et des secrétaires médicales.
Par complice, il faut entendre, en l’espèce, le médecin responsable médical du centre d’épilation, la société exploitante et le gérant de la société.
En effet, il ressort des faits de l’espèce que les séances d’épilation au laser n’étaient pas pratiquées par des médecins mais par des esthéticiennes et des secrétaires médicales, salariées du centre esthétique.
Or, lors du déroulement des séances d’épilation au laser, le médecin, responsable du centre esthétique, n’était pas présent et aucune surveillance médicale sérieuse n’était exercée.
Les séances d’épilation pouvaient commencer dès le matin alors même que le médecin en charge du contrôle de la technique et sous la responsabilité duquel ces actes médicaux devaient être accomplis n’arrivait, dans les locaux, qu’en début d’après-midi, après avoir exercé, toute la matinée, dans son cabinet libéral.
Les esthéticiennes bénéficiaient donc d’une autonomie complète dans l’usage du laser alors même qu’elles n’avaient reçu qu’une formation de quelques heures.
Dès lors, les clients pouvaient arriver et repartir sans même que le médecin responsable ne les ait vues.
Quant au gérant de la société, il se contentait de donner à ses salariées les instructions pour pratiquer les épilations au laser et mettait à leur disposition le matériel médical, tout en ayant conscience qu’aucun médecin ne pourrait les encadrer en permanence.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que la Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS en ce qu’elle a condamné le médecin responsable, la société exploitant le centre d’épilation et le gérant pour complicité d’exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, le médecin a également été condamné pour complicité de blessures involontaires à la suite des brûlures cutanées et des muqueuses, subies par la patiente, à la suite de sa séance d’épilation au laser du 25 mars 2011.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a donc fait le choix de sanctionner pénalement ceux qui profitent économiquement de telles pratiques illicites.
En effet, s’il n’est pas contestable que les esthéticiennes se sont rendues coupables d’exercice illégal de la médecine, ceux à qui ont profité, en l’espèce, de telles pratiques, sont d’une part le médecin qui pouvaient continuer à consulter dans son cabinet libéral alors qu’il aurait dû se trouver dans le centre d’esthétique pour surveiller les séances d’épilation et, d’autre part la société et son gérant qui pouvaient réaliser des séances d’épilation au laser sans faire appel à des docteurs en médecine.
Les esthéticiennes et les secrétaires médicales n’étaient, quant à elle, que salariées du centre d’épilation et n’avaient, semble-t-il, aucun intérêt économique à pratiquer de telles épilations au laser en violation des dispositions légales.
Par cet arrêt, la Cour de cassation tente ainsi de réguler des pratiques illicites en sanctionnant pénalement et économiquement les véritables bénéficiaires des épilations au laser.
Cet arrêt a un véritable objectif dissuasif étant rappelé que les épilations au laser peuvent occasionner des brûlures particulièrement graves lorsqu’elles sont réalisées par des personnes insuffisamment formées.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.