Droit d’action des associations : la seule violation de la réglementation caractérise le préjudice direct

Droit d’action des associations
Publié le 3/06/24

Une association de lutte contre le tabagisme a fait usage de la technique du client mystère pour faire constater, par procès-verbal d’huissier, la vente de tabac par un buraliste à un mineur.

L’association a ensuite fait citer ce buraliste devant le Tribunal de Police pour vente de produit du tabac à un mineur.

Le Tribunal de Police a relaxé le prévenu, reçu la constitution de partie civile de l’association et l’a déboutée de toutes ses demandes.

L’association et le Ministère Public ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 24 mars 2023, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de REIMS a confirmé le jugement de première instance et débouté l’association de ses demandes civiles.

L’Association a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.

Aux termes de son pourvoi, l’association soutient, tout d’abord, qu’étant déclarée depuis au moins cinq ans, elle pouvait légalement exercer les droits de la partie civile contre le prévenu qui a enfreint la loi relative au tabac.

Par ailleurs, elle avait nécessairement subi un préjudice direct et certain du fait de la vente de tabac à un mineur, sans vérification de l’âge de ce dernier, en totale méconnaissance des obligations qui pesaient sur le buraliste, ce dernier ayant bien commis une faute au sens de l’article 1240 du Code civil.

De plus, l’association soutient que son objet statutaire s’étendait de manière générale à la lutte contre le tabagisme et ne se limite pas seulement au cas où le prévenu se serait livré à de la publicité en faveur du tabac.

Ainsi, en considérant que l’association ne pouvait pas se prévaloir d’un préjudice direct et certain, car la vente par le buraliste n’aurait pas eu pour effet de favoriser la publicité du tabac, la Cour d’Appel a dénaturé par omission les statuts de l’association et violé l’article L. 3515-7 du Code de la Santé Publique.

Enfin, l’association soutenait que, contrairement à ce qui avait été jugé par la Cour d’Appel, la preuve fournie n’était pas déloyale car le mode opératoire utilisé avait seulement eu pour effet de provoquer la preuve et non pas l’infraction elle-même.

La partie civile n’était pas tenue par l’exigence de loyauté de la preuve et qu’en se fondant sur le critère de déloyauté pour priver l’association de son droit d’obtenir l’indemnisation du préjudice dont elle réclamait réparation, la Cour d’Appel avait violé l’article 427 du Code de Procédure Pénale.

Par arrêt en date du 27 février 2024 (Cour de cassation, Chambre Criminelle, 27 février 2024, Pourvoi n°23-82000), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de REIMS et fait droit à l’argumentation développée par l’association de lutte contre le tabac et ce, au visa des articles L.3515-7 et L.3512-12 du Code de la Santé Publique. 

Comme le rappelle la Cour de cassation, les associations de lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions, notamment celui relatif à l’interdiction de vente de produits issus du tabac à des mineurs dans des débits de tabac. 

La Cour de cassation ajoute que l’objet statutaire de l’association ne se limite pas seulement à la lutte contre la publicité des produits issus du tabac mais s’étend également à la lutte contre le tabagisme plus généralement.

La seule violation par le buraliste des dispositions réglementaires lui incombant est de nature à causer à l’association un préjudice direct et certain, intégralement réparable.

Enfin, la Cour de cassation estime que la Cour d’Appel s’est contredite en estimant que la preuve apportée était déloyale tout en reconnaissant une faute civile résultant de la vente de tabac à un mineur.

Article rédigé avec la participation de Madame Léa BUSSEREAU, stagiaire.

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