Droit d’accès de la victime aux informations médicales détenues par la compagnie d’assurance et respect du principe du contradictoire
Le 22 septembre 2008, un artisan a été victime d’un accident vasculaire cérébral et placé en arrêt de travail.
Un médecin conseil, mandaté par son assureur, l’a examiné le 27 octobre 2011 et a conclu à un taux d’incapacité permanente partielle inférieur à celui contractuellement fixé pour déclencher la garantie.
Ce même médecin conseil a également conclu que la pathologie présentée par l’artisan n’était plus liée à son accident vasculaire.
Au vu de ces conclusions, son assureur lui a donc opposé un refus de garantie.
L’artisan a alors sollicité, auprès de la compagnie d’assurance, une copie du rapport d’expertise médicale.
Toutefois, cette dernière s’y est opposée, motif pris que son assuré n’aurait pas donné suite à sa demande de levée du secret médical institué en sa faveur.
Par arrêt en date du 12 février 2019, la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE a rejeté les demandes de l’artisan tendant à obtenir, non seulement une copie du rapport d’expertise médicale, mais aussi une expertise.
Pour ce faire la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE retient que, selon le médecin conseil de l’assureur, les soins effectués au-delà du 18 juin 2019 ne sont plus en relation avec la pathologie initiale de l’artisan.
Par ailleurs, elle considère que le rapport motivé du médecin conseil n’est pas communiqué puisque l’artisan n’a pas donné suite à la demande de levée du secret médical institué en sa faveur et qui, seule, aurait permis de le verser aux débats.
Enfin, le taux d’incapacité fonctionnelle retenu par le médecin conseil de l’assureur n’est pas sérieusement remis en cause par l’artisan, qui n’a pas permis que le rapport circonstancié soit produit.
Ce dernier s’est donc pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, l’artisan rappelle que le secret médical, édicté dans l’intérêt du patient, ne peut lui être opposé, d’autant plus quand la détermination de ses droits dépend des renseignements médicaux recherchés.
De plus, il soutient que le juge ne peut fonder sa décision sur une pièce qui n’a pas été produite aux débats, ni soumise à la discussion contradictoire des parties.
Or, par arrêt en date du 14 octobre 2021 (Cour de cassation, Civile 2ème, 14 octobre 2021, Pourvoi n°20-11980), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par l’artisan et censuré la décision rendue par la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE au visa des articles 16 du Code de Procédure Civile et L.1111-7 du Code de la Santé Publique.
Comme le rappelle la Cour de cassation, en application des dispositions du premier article, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
En outre, en application du second texte, l’assuré doit avoir accès, à sa demande ou à celle de son Conseil, au rapport de l’expertise médicale réalisée à l’initiative de l’assureur.
Il en résulte qu’à la demande de l’assuré ou de son Conseil, l’assuré devait avoir accès, sans condition préalable, au rapport d’expertise diligenté à la demande de l’assureur, contenant des informations médicales le concernant.
De plus, la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE ne pouvait fonder sa décision sur les éléments issus d’une expertise non soumise à la discussion contradictoire des parties.
Par conséquent, l’assuré pourra se voir adresser une copie du rapport d’expertise établi par le médecin conseil de la compagnie d’assurance et faire respecter le principe du contradictoire.
Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne d’une précédente décision de la Cour de cassation en date du 30 septembre 2021 (Cour de cassation, Civile 2ème, 30 septembre 2021, Pourvoi n°19-25045), aux termes de laquelle une victime s’était vue accorder le droit d’obtenir une copie des notes techniques établies par le médecin conseil désigné par la compagnie d’assurances.
La Cour de cassation veille donc à garantir à la victime le droit d’accès aux informations médicales la concernant, et à renforcer le principe du contradictoire afin que cette dernière ne soit placée dans une situation de déséquilibre par rapport à la compagnie d’assurances.