Couple binational et conditions de sortie du territoire des enfants mineurs

Couple binational et conditions de sortie du territoire des enfants mineurs
Publié le 28/04/17

Un ressortissant français et une ressortissante britannique ont donné naissance à trois enfants en 2005, 2008 et 2009.

Après leur séparation, le Juge aux Affaires Familiales a, le 12 avril 2012, fixé la résidence des enfants au domicile du père, en France, et organisé le droit de visite et d’hébergement de la mère.

Par arrêt en date du 3 octobre 2013, la Cour d’Appel a confirmé ce jugement mais dit que le droit de visite et d’hébergement de la mère des enfants s’exercerait uniquement sur le territoire français et ordonné l’interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs sans l’autorisation des deux parents.

Le 12 août 2014, la mère, qui réside désormais au Royaume-Uni, a assigné le père afin de voir fixer la résidence des enfants à son domicile.

Par un arrêt en date du 17 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAEN a non seulement rejeté la demande de transfert de la résidence des enfants au Royaume-Uni mais également débouté la mère de sa demande de mainlevée de l’interdiction de sortie du territoire français des enfants sans l’autorisation des deux parents.

La ressortissante britannique s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Pour ce faire, la mère soutenait que le prononcé d’une interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs, par le juge français, supposait que soit caractérisé un risque d’enlèvement international par l’un des deux parents, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Par ailleurs, la mère alléguait que cette interdiction de sortie de territoire serait contraire au principe de libre circulation des personnes, consacré par différents textes de l’Union Européenne, dès lors que l’interdiction ne serait assortie d’aucune limitation temporelle ou de possibilité de réexamen périodique des circonstances de fait ou de droit qui la sous-tendent.

Par conséquent, selon la mère, le juge français aurait méconnu le principe de primauté du droit de l’Union Européenne sur le droit français.

Cependant, dans son arrêt en date du 8 mars 2017 (Cour de cassation, Civile 1ère, 8 mars 2017, Pourvoi n°15-26664), la Cour de cassation n’a pas fait droit à l’argumentation développée par la mère de famille et a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de CAEN.

Comme le rappelle l’article 373-2-6 du Code civil :

« Le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.

Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République ».

Selon la Cour de cassation, cet article est nécessaire à la protection des droits et libertés d’autrui en ce qu’il vise à préserver les liens des enfants avec leurs deux parents et à prévenir les déplacements illicites conformément aux objectifs poursuivis par le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale et la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

L’interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs, sans l’autorisation des deux parents, est donc conforme aux engagements internationaux pris par la France.

Par ailleurs, la Cour de cassation considère que cette interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs était proportionnée aux buts poursuivis.

En effet, l’interdiction de sortie du territoire n’est possible qu’en cas de défaut d’accord entre les parents.

Surtout, cette interdiction n’est pas absolue puisqu’elle peut faire l’objet d’un réexamen, à tout moment, par le juge, et n’est pas illimitée dans le temps.

Par conséquent, selon la Cour de cassation, la Cour d’Appel de CAEN n’a pas méconnu le principe de libre circulation, garanti par les textes visés par la mère de famille.

Enfin, comme l’a relevé la Cour de cassation, il ressort des éléments du dossier que la ressortissante britannique avait, par le passé, refusé de restituer les enfants mineurs au père pendant 4 mois en 2012, seule la décision prise par le juge anglais l’ayant contrainte à exécuter le jugement.

De plus, en août 2014, elle n’avait ramené les enfants mineurs au père de famille que 5 jours après la date convenue.

Dès lors, selon la Cour de cassation, l’interdiction de sortie du territoire des enfants mineurs, sans l’accord des deux parents, était justifiée au regard de la nécessité pour les enfants de maintenir des relations avec chacun des parents et du risque pouvant affecter la continuité et l’effectivité de ces liens.

Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.

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