Correctionnalisation du viol entre époux et contrôle de la Cour de cassation
Le 5 avril 2016, une épouse a déposé plainte pour des faits de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols commis par son époux et ce, depuis plusieurs années.
Convoqué par officier de police judiciaire à comparaître devant le Tribunal Correctionnel de NANTES du chef d’agressions sexuelles par personne étant ou ayant été le conjoint de la victime, l’époux a, par jugement du 23 mars 2017, été condamné à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis.
Ce dernier a relevé appel de cette décision et le Ministère Public a formé appel incident.
Par arrêt en date du 2 novembre 2021, la Cour d’Appel de RENNES l’a condamné à quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis pour agressions sexuelles aggravées.
L’époux a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes du pourvoi, il est rappelé qu’en matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public ; qu’il appartient au juge correctionnel, saisi de la cause entière par l’appel du ministère public, de se déclarer incompétent, même d’office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle.
Par ailleurs, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise constitue le crime de viol, relevant de la compétence exclusive de la juridiction criminelle.
Or, en l’espèce, pour déclarer l’époux coupable d’agression sexuelle sur la personne de son épouse, la Cour d’Appel a relevé qu’il résulte des déclarations de la victime que le prévenu a « introduit son doigt dans son vagin » et qu’il aurait usé « de contrainte morale type chantage ou pression et physique, pour contraindre son épouse à des relations sexuelles complètes par pénétration pénienne et digitale vaginale et anale ».
Par ailleurs, les déclarations de la partie civile « sont corroborées par les déclarations » du mari lui-même, au cours de sa garde à vue, pendant laquelle il était assisté d’un avocat, admettant qu’il avait pu introduire son doigt dans le vagin de sa femme qui serrait les cuisses.
En l’état de ces constatations, d’où il résulte qu’à les supposer établis, les faits retenus par l’arrêt attaqué à la charge de l’exposant caractérisent le crime de viol prévu par l’article 222-23 du Code Pénal, et partant, sont justiciables de la Cour d’Assises.
Selon le pourvoi, la juridiction correctionnelle était incompétente pour en connaître.
Or, par arrêt en date du 14 septembre 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 septembre 2022, Pourvoi n°21-86866), la Cour de cassation a fait droit à cette argumentation et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RENNES.
Comme le rappelle la Cour de cassation, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Par ailleurs, elle rappelle également que le Tribunal Correctionnel connaît des délits, le jugement des crimes relevant de la Cour d’Assises.
Or, en matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public.
Il appartient en conséquence aux juges correctionnels de se déclarer incompétents, même d’office, lorsque les faits poursuivis relèvent de la compétence de la juridiction criminelle.
La Cour de cassation ajoute que le Tribunal Correctionnel doit se déclarer incompétent si le fait qui lui est déféré est de nature à entraîner une peine criminelle.
Si ce constat est fait au stade de l’appel, il appartient à la Cour d’Appel d’annuler le jugement.
Or, en l’espèce, pour déclarer le prévenu coupable du délit d’agressions sexuelles aggravées, l’arrêt de la Cour d’Appel de RENNES énonce qu’il a imposé des relations sexuelles avec pénétration sur son épouse.
Les faits commis par le prévenu constituaient donc le crime de viol.
Par conséquent, le Tribunal Correctionnel était incompétent pour connaître de ces faits.
Dès lors, l’époux aurait dû être jugé devant la Cour d’Assises, raison pour laquelle la Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RENNES et renvoi l’affaire devant le Juge d’Instruction du Tribunal Judiciaire de NANTES qui, au vu des pièces de procédure et de tout supplément d’information s’il y a lieu, statuera tant sur la prévention que sur la compétence.
Force est donc de constater que la Cour de cassation opère un contrôle sur la pratique consistant à correctionnaliser certains viols, notamment ceux entre époux.