Conditions de recevabilité de la constitution de partie civile d’une association de défense de victime de terrorisme
Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de plusieurs personnes pour des faits d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme, d’infraction à la législation sur les armes et détention et transport de substance ou produit incendiaire ou explosif, infractions en relation avec une entreprise terroriste.
Par lettre en date du 28 mai 2018, l’Association Française des Victimes de Terrorisme (l’AFVT) s’est constituée partie civile dans le cadre de cette instruction.
Par ordonnance en date du 6 septembre 2018, les Juges d’Instruction cosaisis ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile.
L’Association Française des Victimes de Terrorisme a interjeté appel de cette décision.
Toutefois, par arrêt en date du 25 janvier 2019, la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de PARIS a confirmé cette décision d’irrecevabilité.
Pour ce faire, la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de PARIS précise que les infractions de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteinte aux personnes et de direction ou organisation d’une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes visées au 1° de l’article 421-1 du Code Pénal et de financement d’une entreprise terroriste, constituent des infractions dites d’intérêt général.
Elle ajoute que si l’Association Française des Victimes de Terrorisme remplit les conditions de déclaration, d’ancienneté et d’objet statutaire prévues par l’article 2-9 du Code de Procédure Pénal, il n’est pas démontré l’existence possible d’un préjudice distinct de celui résultant d’une atteinte à l’intérêt général dont la protection ne relève que du Ministère Public, et prenant sa source dans les actes caractérisant les infractions susvisées.
L’Association Française des Victimes de Terrorisme s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle, qu’en application des dispositions de l’article 2-9 du Code de Procédure Pénale, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d’assister les victimes d’infractions, a le pouvoir d’exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du même code.
Dans la mesure où l’instruction concernait des faits de terrorisme, l’Association Française des Victimes de Terrorisme était, selon elle, recevable à se constituer partie civile, sans avoir à justifier de l’existence possible d’un préjudice distinct de celui résultant de l’atteinte à l’intérêt général.
Par arrêt en date du 22 avril 2020 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 avril 2020, Pourvoi n°19-81273), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par l’Association Française des Victimes de Terrorisme et censuré l’arrêt rendu par la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de PARIS et ce, au visa des articles 2-9 et 706-16 du Code de Procédure Pénale ainsi qu’au visa de l’article 421-2-1 du Code Pénal.
Comme le rappelle l’article 2-9 du Code de Procédure Pénale :
« Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, d’assister les victimes d’infractions peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Toute association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire la défense des victimes d’une infraction entrant dans le champ d’application du même article 706-16 et regroupant plusieurs de ces victimes peut, si elle a été agréée à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne cette infraction lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. Les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au présent alinéa peuvent être agréées, après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité, sont fixées par décret.
Toute fondation reconnue d’utilité publique peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que l’association mentionnée au présent article ».
L’article 706-16 du même code ajoute que :
« Les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, ainsi que les infractions connexes sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent titre.
Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des actes de terrorisme commis à l’étranger lorsque la loi française est applicable en vertu des dispositions de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code pénal.
Elles sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci dans les cas prévus au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de justice militaire.
Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions prévues à l’article 706-25-7 du présent code.
La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises en détention par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal.
Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions d’évasion incriminées par les articles 434-27 à 434-37 du même code, des infractions d’association de malfaiteurs prévues à l’article 450-1 dudit code lorsqu’elles ont pour objet la préparation de l’une des infractions d’évasion précitées, des infractions prévues à l’article L. 624-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que des infractions prévues à l’article L. 224-1 du code de sécurité intérieure, lorsqu’elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ».
Enfin, l’article 421-2-1 du Code Pénal dispose que :
« Constitue également un acte de terrorisme le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents ».
Comme le rappelle la Cour de cassation, il résulte de ces textes que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d’assister les victimes d’infractions, tient de l’article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d’exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du même code, qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, prévu par l’article 421-2-1 du code pénal ».
Elle ajoute que l’article 2-9 du Code de Procédure Pénale ne subordonne, en aucun cas, la recevabilité de la constitution de partie civile d’une association à la nécessité d’assister une victime dans l’affaire dans laquelle l’action civile est exercée, mais seulement à l’objet statutaire de l’association qui doit tendre à l’assistance des victimes d’infractions et à la date de sa déclaration.
Par conséquent, en l’espèce, l’Association Française des Victimes de Terrorisme était parfaitement recevable à se constituer partie civile dans le cadre de l’instruction ouverte pour les faits de terrorisme précités.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.