Condamnation pour homicide involontaire du Président d’une société française organisatrice de séjours à la suite du décès de plusieurs participants lors d’un camp de vacances aux Etats-Unis
En août 2009, lors d’un camp de vacances organisé aux Etats-Unis par une société française, une animatrice salariée de celle-ci, a perdu le contrôle d’un véhicule transportant plusieurs adolescents.
A la suite de cet accident, deux passagères sont mortes et quatre autres ont été blessées.
La société française, organisatrice du séjour touristique, ainsi que son Président, ont alors été renvoyés devant le Tribunal Correctionnel des chefs d’homicides involontaires, pratiques commerciales trompeuses et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois.
Le Tribunal Correctionnel a notamment déclaré le Président de la société coupable des infractions ci-dessus mentionnées, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et à 1.500 euros d’amende.
Ce dernier, les parties civiles et le Ministère Public ont interjeté appel.
Par arrêt en date du 28 janvier 2022, la Cour d’Appel de VERSAILLES a confirmé le jugement attaqué.
Le Président de la société a formé un pourvoi en cassation, contestant notamment la compétence des juridictions française, les infractions d’homicides et blessures involontaires et de pratiques commerciales trompeuses.
Cependant, par arrêt en date du 4 avril 2023 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 avril 2023, Pourvoi n°22-81195), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par le Président de la société organisatrice de séjours et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES.
Comme le rappelle la Cour de cassation s’agissant des délits d’homicides et blessures involontaires :
« Pour écarter l’exception d’incompétence des juridictions françaises et déclarer le prévenu coupable d’homicides et blessures involontaires, l’arrêt attaqué énonce que les contrats d’engagement éducatif , ne comportaient pas la mention des jours de repos et que le prévenu a reconnu que ceux de deux animateurs du séjour ne les mentionnaient pas, alors que, gérant depuis plusieurs années de sociétés chargées d’organiser des séjours pour enfants, [le Président] ne pouvait ignorer l’existence de cette obligation légale en vigueur depuis 2006.
Les juges relèvent que, les 3 et 4 août 2009, [le Président], de permanence pour gérer les appels importants et les prises de décisions compliquées, qui aurait dû être avisé du courriel de démission de la directrice du séjour initialement embauchée, ce qui nécessitait un suivi attentif de son organisation, aucun des salariés de l’équipe ne disposant d’une délégation de pouvoirs, était injoignable en raison de sa participation à un trek au Kenya.
Ils retiennent qu’en ne donnant pas à la directrice du séjour les moyens nécessaires pour qu’elle puisse rédiger et transmettre un projet pédagogique, ce qui l’a empêchée de s’assurer de la faisabilité des trajets, des conditions de logement et de la répartition du temps de repos entre les animateurs, le prévenu a incontestablement commis une faute dans l’organisation du voyage, ces faits étant réputés commis au siège de la société, située sur le territoire français.
Ils ajoutent, par motifs adoptés, que les animateurs témoignent tous de la fatigue accumulée depuis le début du voyage, notamment dès la deuxième nuit de conduite, avec quelques haltes pour se reposer en dormant dans des vans, après un voyage de onze heures en avion, en situation de décalage horaire et que, la veille de l’accident, le groupe, parti très tard avait improvisé un bivouac sur une aire d’autoroute.
Ils en déduisent qu’il est établi que l’accident a été causé par l’état de fatigue extrême de la conductrice résultant notamment de cadences difficiles, de très longues périodes de conduite et de l’absence de réservation de lieux de couchage.
Ils en concluent que ce cumul de fautes commises dans l’organisation du séjour s’analyse en une faute caractérisée imputable au [Président], en sa qualité d’organisateur de séjour pour enfants, en lien certain avec l’accident.
En l’état de ces seules énonciations, desquelles il résulte que le prévenu a commis, au siège de la société située en France, une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, la Cour d’Appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen ».
Par ailleurs, s’agissant du délit de pratiques commerciales trompeuses, la Cour de cassation souligne que :
« Pour déclarer le prévenu coupable de pratiques commerciales trompeuses, l’arrêt énonce que sont reprochés [au Président] des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur postant sur l’identité, les qualités, les aptitudes ou les droits du professionnel, en l’espèce en alléguant, d’une part, que tous les animateurs des séjours étaient titulaires du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) et, d’autre part, que les séjours bénéficiaient d’une habilitation et d’un agrément de la direction départementale de la jeunesse et des sports.
Les juges relèvent que l’enquête de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) a établi que tous les animateurs n’étaient pas titulaires du BAFA au moment de leur embauche, contrairement à ce que la société faisait apparaître dans ses documents commerciaux.
Ils constatent, d’une part, que figurent dans l’éditorial du catalogue des séjours de l’été 2009 et sur la page d’accueil du site internet de la société, l’indication selon laquelle l’intégralité des animateurs des séjours était titulaire du BAFA et, d’autre part, que la mention de l’agrément de la directement départementale de la jeunesse et des sports apparaît dans les conditions générales de vente et sur le site internet où est indiqué que chaque séjour est déclaré auprès de cette direction, et dispose de son propre numéro d’habilitation.
Ils précisent que le terme habilitation sous-entend qu’une autorisation a été accordée, après un contrôle opéré par une instance décisionnaire, et qu’il s’agit d’une mention valorisante, plus forte dans l’esprit de la clientèle quant à la qualité et au sérieux des séjours organisés, ce que [le Président] savait pertinemment.
Ils ajoutent qu’il résulte de l’enquête de la DDCCRF que le prévenu était parfaitement informé de l’absence de déclaration et par suite de l’absence de numéro d’habilitation des séjours.
Ils retiennent que, contrairement à ses dires, il est établi que le prévenu a validé le catalogue « Eté 2009 » dont il a signé l’éditorial, choisissant de mettre en avant un taux de 100% d’animateurs titulaires du BAFA alors qu’il n’était pas soumis à cette obligation, pour insister sur l’attention constante à la sécurité qu’il promouvait, ce niveau d’exigence affiché de recrutement étant de nature à rassurer les potentiels clients plus enclins à confier leurs enfants à un organisateur de séjour ayant un personnel d’encadrement diplômé et ce d’autant que [le Président] mettait en avant l’attention constante portée à la sécurité, dans un souci d’honnêteté et de transparence revendiqué.
Ils concluent que [le Président] de la société, organisateur professionnel de séjours à destination de jeunes depuis de nombreuses années, connaissait les obligations lui incombant et à choisi en toute conscience de mettre en avant des allégations fausses afin d’inciter les clients à inscrire leurs enfants, ce qui a altéré de manière substantielle le comportement économique du consommateur sur des caractéristiques essentielles du bien ou du service et sur les qualités et aptitudes des professionnels ».
Par conséquent, la condamnation du Président de la société organisatrice de séjours linguistiques pour homicides et blessures involontaires ainsi que pour pratiques commerciales trompeuses est confirmée par la Cour de cassation à la suite de l’accident survenu au cours du camp de vacances aux Etats-Unis.