Condamnation possible d’un assureur de Centre Hospitalier pour une offre amiable manifestement insuffisante à la suite d’une procédure devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux
A la suite d’une chute d’un toit, un homme a été hospitalisé au sein du Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE où une erreur de diagnostic fautive ainsi qu’un manquement dans sa prise en charge ont été commis par l’équipe médicale, à l’origine d’une perte de chance d’éviter son décès.
Sa veuve et ses enfants ont alors saisi une Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (la CCI) qui a retenu la responsabilité du Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE.
A la suite de l’avis rendu par la CCI, la SHAM, assureur du Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE a émis une offre amiable d’indemnisation qui n’a pas été acceptée par la famille du défunt.
La veuve et les enfants ont donc saisi le Tribunal Administratif de VERSAILLES d’une demande tendant à la condamnation du Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE et de la SHAM à les indemniser, en leur qualité d’ayants droit et en leur nom propre, des préjudices résultant du décès de leur mari et père.
Par jugement en date du 29 décembre 2017, le Tribunal Administratif de VERSAILLES a condamné le Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE et la SHAM à leur verser la somme de 311.848,22 euros.
Par arrêt en date du 29 mars 2021, la Cour Administrative d’Appel de VERSAILLES a ramené l’indemnisation à la somme de 228.166,29 euros.
Aux termes de cet arrêt, la Cour a notamment refusé d’indemniser la veuve et ses enfants du préjudice résultant du caractère manifestement insuffisant de l’offre formulée par la SHAM à la suite de l’avis rendu par la CCI.
Selon la Cour, cet élément de préjudice ne se distinguait pas des préjudices moraux que le Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE et la SHAM ont été condamnés à indemniser.
La veuve et ses enfants se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Or, par arrêt en date du 21 mars 2023 (Conseil d’Etat, 5ème et 6ème Chambres réunies, 21 mars 2023, N°452939), le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de VERSAILLES et fait droit à l’argumentation développée par les victimes.
Comme le rappelle le Conseil d’Etat, il résulte des dispositions de l’article L.1142-14 du Code de la Santé Publique qu’il appartient au juge, s’il est saisi de conclusions en ce sens par la victime ou ses ayants droit, et s’il estime que l’offre d’indemnisation faite par l’assureur de l’établissement de santé responsable du dommage était manifestement insuffisante, de condamner l’assureur au paiement d’une indemnité destinée à réparer les préjudices ayant résulté directement pour la victime ou ses ayants droit de ce caractère manifestement insuffisant.
Ce préjudice est constitué par le fait, pour la victime ou ses ayants droit, de s’être vu proposer une offre d’indemnisation manifestement insuffisante au regard du dommage subi et d’avoir dû engager une action contentieuse pour en obtenir la réparation intégrale en lieu et place de bénéficier des avantages d’une procédure de règlement amiable.
Le Conseil d’Etat ajoute que ce préjudice constitue un préjudice distinct, dont la réparation incombait d’ailleurs au seul assureur du Centre Hospitalier de JUVISY-SUR-ORGE.
Par conséquent, un assureur d’un établissement public de santé peut être condamné à verser aux patients victimes ou à leurs ayants droit une indemnité distincte et complémentaire en cas d’offre amiable manifestement insuffisante.