Compte-rendu opératoire incomplet et renversement de la charge de la preuve
Le 16 mai 2012, un patient a subi une arthroscopie de hanche réalisée par un chirurgien orthopédiste libéral.
Au cours de l’opération, une rupture d’une broche guide métallique est survenue.
Le 13 février 2014, en raison de la persistance de douleurs importantes, une arthroplastie a été pratiquée.
Le 9 février 2018, après avoir obtenu une expertise en référé, le patient a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien libéral.
Son assureur responsabilité civile professionnelle est intervenu volontairement à l’instance.
Toutefois, par arrêt en date du 29 septembre 2022, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a débouté le patient de l’ensemble de ses demandes.
Après avoir relevé, en se fondant sur le rapport d’expertise, que la Société Française d’Arthroscopie (la SFA) recommandait lors d’une arthroscopie de hanche de commencer l’intervention par une introduction d’air puis de sérum physiologique dans l’articulation afin de faciliter la distraction articulaire et la mise en place des dilatateurs articulaires, que cette introduction n’était pas retranscrite dans le compte-rendu opératoire mais que le chirurgien libéral avait indiqué y recourir systématiquement, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a retenu que l’état séquellaire du patient, en lien direct avec la rupture de la broche, pouvait avoir deux origines distinctes, soit sa constitution anatomique, étant de surcroît atteint d’arthrose, soit un manquement du chirurgien qui n’aurait pas suivi la recommandation de la SFA, ce qui ne constituait qu’une hypothèse non avérée, de sorte que le patient n’établissait pas l’existence d’une faute du chirurgien.
Le patient s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 16 octobre 2024 (Cour de cassation, Civile 1ère, 16 octobre 2024, Pourvoi n°22-23433), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE et fait droit à l’argumentation développée par le patient et ce, au visa des articles L.1142-1 I alinéa 1er du Code de la Santé Publique et 1353 du Code civil.
Selon la Cour de cassation, il résulte de ces textes que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute et que la preuve d’une faute, comme celle d’un lien causal avec le dommage invoqué, incombe au demandeur.
Cependant, la Cour de cassation ajoute que dans le cas d’une absence ou d’une insuffisance d’informations sur la prise en charge du patient, plaçant celui-ci ou ses ayants droit dans l’impossibilité de s’assurer que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés ont été appropriés, il incombe alors au professionnel de santé d’en rapporter la preuve.
Or, en l’espèce, le compte-rendu opératoire était incomplet.
En l’absence d’éléments permettant d’établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartenait, selon la Cour de cassation, au médecin d’apporter la preuve que les soins avaient été appropriés.
Par conséquent, en cas de compte-rendu ou de dossier médical incomplet, la charge de la preuve s’inverse.
Il n’appartient plus au patient de rapporter la preuve d’une faute du médecin ; il incombe alors au professionnel de santé de démontrer qu’il n’a pas commis de faute et que les soins ont été appropriés.