Chose non identifiée et responsabilité du fait des choses

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Publié le 4/11/24

Dans la nuit du 30 au 31 mars 2010, deux salariés d’une société de surveillance ont été victimes d’un accident.

Alors qu’ils effectuaient une ronde dans les locaux appartenant et exploités par la société AIRBUS OPERATIONS, ils ont ressenti divers symptômes nécessitant leur évacuation à l’hôpital.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Les salariés victimes ont assigné la société AIRBUS OPERATIONS afin que celle-ci soit déclarée responsable de leurs préjudices sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 1er, devenu 1242 alinéa 1er du Code civil et condamnée à les indemniser. 

Par arrêt de la Cour d’Appel de TOULOUSE en date du 7 juillet 2021, la société AIRBUS OPERATIONS a été déclarée entièrement responsable du préjudice subi par les victimes à la suite de l’accident litigieux. 

La société AIRBUS OPERATIONS s’est alors pourvue en cassation.

Aux termes de son pourvoi, elle soutient notamment que nul ne saurait être responsable d’une chose non identifiée.

Or, malgré plusieurs expertises, personne n’avait pu identifier la ou les substances à l’origine des symptomes présentés par les victimes, ce dont il résultait l’impossibilité d’imputer à quiconque la garde de cette choses non identifiée et notamment à la société AIRBUS OPERATIONS.

Toutefois, par arrêt en date du 5 septembre 2024 (Cour de cassation, Civile 2ème, 5 septembre 2024, Pourvoi n°21-23442), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de TOULOUSE.

Comme le rappelle la Cour de cassation, selon l’article 1384, devenue 1242 alinéa 1er du Code civile, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

L’enquête judiciaire et l’enquête diligentée par l’inspection du travail ont permis d’établir que, dans la nuit du 30 au 31 mars 2010, les victimes, en poste sur une partie du chantier de fabrication de l’A380, située dans l’usine dont la société est propriétaire et exploitante, lors de leur ronde de surveillance, ont inhalé une substance toxique nécessitant leur prise en charge immédiate. 

Le chef de poste de la société a indiqué, dans le rapport d’analyse d’accident et son compte-rendu, avoir vu sur les lieux un nuage blanc.

Par ailleurs, les premiers symptomes sont apparus immédiatement, mettant en évidence le lien de causalité entre la survenance des troubles et l’inhalation survenue dans les locaux de la société, peu important l’absence de détermination certaine de la substance d’origine et les causes de son émanation.

La Cour d’Appel de TOULOUSE souligne la concomitance des symptomes et troubles et note que les conclusions de l’enquête de l’inspection du travail ont permis d’exclure que l’agent toxique inhalé soit en lien avec l’application d’un produit hydrofuge à proximité par une entreprise sous-traitante et ont mis en évidence plusieurs hypothèses d’émanations possibles.

Elle en conclut que la société, propriétaire et exploitante de l’usine où l’inhalation du produit toxique a eu lieu, est gardienne, au sens juridique du terme, des substances qui peuvent émaner en son sein et qu’elle est responsable des dommages subis par les victimes. 

Le nuage toxique, émanant de la société AIRBUS OPERATIONS et dont elle avait la garde, était à l’origine des symptomes présentés par les victimes.

Par conséquent, la société AIRBUS OPERATIONS a engagé sa responsabilité à l’égard des salariés victimes et est tenu de les indemniser de leurs différents préjudices. 

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