Autonomie et règles d’indemnisation du préjudice d’agrément d’une victime d’accident de la circulation
Afin de tenter d’harmoniser les règles d’indemnisation des préjudices subis par les victimes de dommages corporels, une nomenclature des postes de préjudice a été adoptée au cours de l’année 2006, appelée nomenclature Dintilhac.
Cette nomenclature, qui n’a pas de force obligatoire, repose sur une triple distinction des postes de préjudice :
- La distinction entre les préjudices subis par la victime directe et les préjudices subis par les victimes indirectes, aussi appelées victimes par ricochet ;
- La distinction entre les préjudices patrimoniaux et ceux de nature extrapatrimoniale ;
- La distinction entre les préjudices temporaires et ceux de nature permanente ou définitive ;
Par ailleurs, la nomenclature Dintilhac énumère une liste, non limitative, de postes de préjudices ouvrant droit à indemnisation au profit des victimes directes, dont le préjudice d’agrément, lequel :
« vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.) ».
Par arrêt en date du 24 octobre 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 24 octobre 2019, Pourvoi n°18-19653), la Cour de cassation est venue rappeler le principe de l’autonomie ainsi que les règles d’indemnisation de ce poste de préjudice.
En l’espèce, le 17 mai 2012, un homme a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il était passager d’un véhicule assuré auprès de la MAIF.
La victime a alors assigné la compagnie d’assurance afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices et ce, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du RHONE ainsi que du RSI de la Région RHONE.
Toutefois, par arrêt en date du 13 mars 2018, la Cour d’Appel de POITIERS l’a notamment débouté de sa demande au titre de son préjudice d’agrément.
Si elle relève que les experts qui avaient examiné la victime « avaient relevé que la reprise du « foot » était impossible, que la reprise du « footing » était déconseillée ainsi que tous les sports nécessitant des torsions du tronc », la Cour d’Appel de POITIERS considère néanmoins que « la perte de la qualité de vie liée à l’impossibilité de pratiquer des sports est prise en considération dans le déficit fonctionnel permanent ».
Ainsi, selon la Cour d’Appel de POITIERS, l’impossibilité de pratiquer certaines activités sportives ne devait pas être indemnisée de façon autonome dans le cadre du poste « préjudice d’agrément » mais était incluse dans la réparation du préjudice « déficit fonctionnel permanent »
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision
Par arrêt en date du 24 octobre 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 24 octobre 2019, Pourvoi n°18-19653), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de POITIERS et ce, au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime
Comme le rappelle la Cour de cassation dans son attendu de principe, « le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ».
Or, il ressort des propres constatations de la Cour d’Appel de POITIERS que la victime « se trouvait, à la suite de l’accident litigieux, dans l’impossibilité de continuer à pratiquer des activités spécifiques sportives ou de loisirs ».
Par conséquent, selon la Cour de cassation, cette impossibilité de continuer à pratiquer des activités spécifiques sportives ou de loisirs aurait dû faire l’objet d’une indemnisation distincte du déficit fonctionnel permanent.
En effet, le préjudice d’agrément n’est pas une composante du déficit fonctionnel permanent mais bien un poste de préjudice autonome ouvrant droit, au profit de la victime, à une indemnisation spécifique.
L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’Appel de BORDEAUX pour statuer, à nouveau, sur l’indemnisation de ce préjudice d’agrément.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.