Aggravation et principe de réparation intégrale des préjudices
Le 1er décembre 1987, un homme a été grièvement blessé dans un accident de la circulation et a reçu des produits sanguins, fournis par un établissement de transfusion sanguine, à l’origine d’une contamination par le virus de l’hépatite C.
La victime a alors été indemnisée par l’assureur du véhicule responsable, sur la base notamment d’une incapacité permanente partielle de 85%.
Quelques temps plus tard, l’état de santé de la victime s’est aggravé.
La victime a alors assigné l’assureur du conducteur responsable, l’Établissement Français du Sang Aquitaine Limousin ainsi que l’assureur de ce dernier en paiement de différentes sommes au titre d’une aggravation des séquelles de l’accident et de sa contamination par le virus de l’hépatite C.
La victime a également mis en cause la Caisse et l’Agent Judiciaire de l’État.
L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (l’ONIAM) s’est substitué à l’Établissement Français du Sang Aquitaine Limousin.
L’assureur du conducteur responsable a été condamné à payer, au titre de l’aggravation des séquelles de l’accident et de la contamination différentes sommes à la victime et à l’Agent Judiciaire de l’État.
L’ONIAM, quant à lui, a été condamné à payer différentes sommes à la Caisse et à garantir l’assureur du conducteur responsable à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.
L’assureur de l’établissement de transfusion sanguine a été condamné à garantir l’ONIAM dans la limite fixée dans le contrat d’assurance.
Enfin, l’assureur du conducteur responsable a été condamné à garantir l’ONIAM à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la Caisse.
L’ONIAM et l’assureur du conducteur responsable se sont pourvus en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu, le 10 octobre 2016 par la Cour d’Appel de BORDEAUX.
Ceux-ci font grief à la Cour d’Appel de BORDEAUX d’avoir retenu, au titre de l’aggravation des séquelles de l’accident de la circulation et de la contamination subie par la victime, un taux de déficit fonctionnel permanent de 30%, indemnisé à hauteur de 99.000 euros.
Selon eux, la Cour d’Appel de BORDEAUX a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, qui oblige à replacer celui qui a subi un dommage dans la situation où il se serait trouvé si ce dommage n’avait pas eu lieu.
Par conséquent, selon l’ONIAM et l’assureur du conducteur responsable, la réparation doit être égale à la totalité du préjudice mais ne peut la dépasser.
Or, en indemnisant l’aggravation sur la base d’un taux de déficit fonctionnel permanent de 30% alors que la victime avait déjà bénéficié, par le passé, d’une indemnisation sur la base d’une incapacité permanente partielle de 85%, la Cour d’Appel de BORDEAUX a indemnisé plus de 100% du déficit fonctionnel permanent dont une personne peut être atteinte et aurait ainsi méconnu le principe de la réparation intégrale.
Toutefois, dans son arrêt en date du 26 septembre 2018 (Cour de cassation, Civile 1ère, 26 septembre 2018, Pourvoi n°17-14946), la Cour de cassation n’a pas fait droit à cette argumentation et a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BORDEAUX, le 10 octobre 2016.
Comme le rappelle la Cour de cassation, la victime d’un dommage peut demander un complément d’indemnité si son état de santé s’est aggravé depuis qu’elle a été indemnisée.
Constatant un déficit fonctionnel permanent résultant de l’aggravation, les Juges du Fonds sont tenus de le réparer et ce, indépendamment des sommes déjà perçues par la victime en réparation de son préjudice initial.
L’aggravation doit donc être appréciée en faisant abstraction des indemnités déjà perçues.
Il est donc parfaitement possible d’indemniser une aggravation sur la base d’un taux de déficit fonctionnel permanent de 30% alors qu’une indemnité avait déjà été versée, par le passé, sur la base d’une incapacité permanente partielle de 85%.