Action en responsabilité d’un salarié contre un médecin du travail. Rappel des règles organisant la responsabilité du commettant du fait de son préposé.
En 1976, un salarié a été engagé par les Houillères du bassin de Lorraine, aux droits desquelles est venu l’établissement public Charbonnages de France.
Placé en arrêt maladie à compter du 22 janvier 2002, le salarié a été reconnu invalide le 11 janvier 2005, puis mis à la retraite à l’âge de 60 ans, le 28 février 2010.
Estimant avoir subi un préjudice imputable aux agissements du médecin du travail salarié de l’établissement, il a alors saisi le Tribunal de Grande Instance d’une demande d’indemnisation à l’encontre du praticien.
Par arrêt en date du 16 novembre 2017, la Cour d’Appel de METZ a toutefois déclaré irrecevables les demandes d’indemnisation formées par le salarié à l’encontre du médecin du travail pour des faits autres que ceux de harcèlement moral et d’atteinte au secret professionnel constituant des infractions pénales.
Le salarié s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, il rappelle que, même salarié au sein de l’entreprise, le médecin du travail, qui assure les missions qui lui sont dévolues aux termes de l’article L.4623-8 du Code du Travail dans les conditions d’indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, doit répondre personnellement de ses fautes, sans pouvoir invoquer l’immunité qui bénéficie au préposé pour faire échec à l’action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le salarié de la même entreprise.
Par ailleurs, le salarié ajoute que le préposé ne peut invoquer d’immunité à l’égard de la victime lorsqu’il a commis une faute intentionnelle à l’origine du dommage, peu important qu’elle ne soit pas pénalement sanctionnée.
En effet, outre des faits de complicité de harcèlement moral et de violation du secret médical, le salarié reprochait au médecin du travail un refus délibéré d’appliquer la procédure prévue par le Code du Travail relative au constat de l’inaptitude, un compérage, une aliénation de son indépendance professionnelle ainsi qu’un défaut de soins.
Cependant, par arrêt en date du 26 janvier 2022 (Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, Pourvoi n°20-10610), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation du salarié et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de METZ.
Comme le rappelle la Cour de cassation, il résulte d’un arrêt en date du 25 février 2000 (Cour de cassation, Assemblée Plénière, 25 février 2020, Pourvois n°97-17378 et 97-20152),que n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers, le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par son commettant.
Elle ajoute que, par un arrêt du 9 novembre 2004 (Cour de cassation, Civile 1ème, 9 novembre 2004, Pourvoi n°01-17908), la Cour de cassation a appliqué cette règle aux médecins salariés, en affirmant que le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privé, n’engage pas sa responsabilité personnelle à l’égard du patient.
La Cour de cassation juge également que le comportement du médecin du travail dans l’exercice de ses fonctions n’est pas susceptible de constituer un harcèlement de la part de l’employeur (Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2015, Pourvoi n°13-28201).
Elle poursuit en rappelant que si l’indépendance du médecin du travail exclut que les actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions puissent constituer un harcèlement moral imputable à l’employeur, elle ne fait pas obstacle à l’application de la règle selon laquelle le commettant est civilement responsable du dommage causé par un de ses préposés en application de l’article 1384 alinéa 5, devenu 1242 alinéa 5 du Code Civil.
En conséquence, la Cour d’appel a exactement retenu que le médecin du travail, salarié de l’employeur, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie, n’engage pas sa responsabilité civile personnelle.
En second lieu, la Cour d’appel a, après avoir rappelé que l’immunité du préposé ne peut s’étendre aux fautes susceptibles de revêtir une qualification pénale ou procéder de l’intention de nuire, estimé que le médecin du travail devait bénéficier d’une immunité sauf en ce qui concerne le grief de harcèlement moral et celui de violation du secret professionnel, écartant ainsi, sans être tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, l’existence de toute faute intentionnelle pour les autres faits allégués par le salarié.
Il ressort de cet arrêt que la responsabilité personnelle d’un salarié ne peut pas être engagée par un tiers, sauf en cas d’infraction pénale ou de faute intentionnelle commis par le salarié.
Dans tous les autres cas, seule la responsabilité du commettant pourra être recherchée en raison des manquements de son préposé.