Accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM : un arrêt de travail de 6 mois caractérise la condition de gravité
Le 25 septembre 2013, une patiente a subi une intervention chirurgicale consistant en la pose d’une prothèse totale de genou gauche avec mise en place d’un implant fémoral.
Le 7 octobre 2013, elle a été victime d’une fracture sus-prothétique du fémur gauche.
Le lendemain, le chirurgien a pratiqué une nouvelle intervention aux fins de réduction de la fracture et de mise en place d’une plaque.
La patiente a été placée en arrêt de travail à compter du 25 septembre 2023 et jusqu’au 23 septembre 2024, puis en invalidité à compter du 24 septembre 2014 et mise à la retraite le 30 juin 2015.
Le 26 octobre 2017, après avoir obtenu une expertise médicale en référé ayant conclu à l’existence d’un aléa thérapeutique, elle a assigné l’Office Nationale d’Indemnisation des Accidents Médicaux (l’ONIAM) en indemnisation de ses préjudices.
Par arrêt en date du 9 novembre 2022, la Cour d’Appel de ROUEN a rejeté sa demande d’indemnisation, estimant que la condition de gravité ne serait pas remplie en l’espèce.
En effet, la Cour d’Appel de ROUEN a estimé qu’il n’était pas rapporté la preuve que la mise en invalidité, puis en retraite, de la patiente étaient imputables à son accident médical.
Cette dernière s’est alors pourvue en cassation.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle que lorsque la victime d’un accident médical non fautif a subi un arrêt de travail de plus de 6 mois, consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois, le critère de gravité du dommage, conditionnant l’indemnisation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale, est bien rempli.
Par arrêt en date du 24 avril 2024 (Cour de cassation, Civile 1ère, 24 avril 2024, Pourvoi n°23-10609), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de ROUEN.
En effet, l’article L.1142-1 II du Code de la Santé Publique dispose que :
« Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ».
Par ailleurs, l’article D.1142-1 du même code précise que :
« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l’article L. 1142-1 lorsque la durée de l’incapacité temporaire de travail résultant de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence ».
Comme le rappelle la Cour de cassation, présente le caractère de gravité pour ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, un accident médical ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à 6 mois consécutifs, un arrêt temporaire des activités professionnelles.
Or, en l’espèce, l’arrêt de travail de la patiente s’était étendu du 25 septembre 2023 au 23 septembre 2024.
En raison d’un arrêt de travail de plus de 6 mois, la condition de gravité était bien remplie pour ouvrir droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale, au titre d’un accident médical non fautif.