Accident de la circulation d’un consommateur imputable à la surcharge de sa remorque et responsabilité du vendeur de matériaux professionnel
Un particulier a fait l’acquisition de planches de bois auprès d’une société.
Avec l’aide d’un salarié de cette société, l’acheteur les a chargées sur une remorque attelée à son véhicule automobile.
Après avoir quitté les locaux de l’entreprise, sa voiture a percuté un véhicule arrivant en sens inverse, sous l’effet du déport de la remorque dans une descente.
Les deux conducteurs sont décédés dans l’accident.
La compagne et les ayants-droits de l’acheteur décédé ont alors assigné en justice la société venderesse en responsabilité et indemnisation, sur le fondement d’un manquement à son obligation de sécurité, d’information et de mise en garde, tant sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, que sur celui de l’ancien article L.221-1 du Code de la consommation.
Par arrêt en date du 26 mai 2021, la Cour d’Appel de RENNES a condamné la société venderesse à payer à chacun des ayants-droits une certain somme au titre de leur indemnisation.
La société venderesse s’est pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle que le contrat de vente emporte transfert de la garde de la chose achetée du vendeur vers l’acquéreur.
Elle ajoute que l’obligation générale de sécurité du vendeur d’un produit ne s’étend pas au chargement du produit vendu, lequel est effectué sous la responsabilité de l’acheteur, devenu propriétaire et gardien de la chose achetée.
De plus, l’absence de compétences personnelles du gardien de la chose à l’effet d’opérer le chargement des produits achetés sur une remorque destinée à son transport n’opère pas transfert de la garde au préposé du vendeur, venu l’assister pour y procéder.
Par conséquent, l’acheteur était seul gardien des planches dont il venait d’acquérir la propriété ; le vendeur n’était pas tenu à son égard d’une obligation de sécurité au titre d’un « service » d’aide au chargement de la chose vendue.
Dès lors, la société venderesse ne saurait être tenue d’indemniser les ayants-droits de la victime décédée.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où un manquement serait retenu à son encontre, la société venderesse soutenait que l’acheteur avait, en tout état de cause, commis une faute, laquelle devait l’exonérer partiellement ou totalement de sa responsabilité.
En effet, la société venderesse rappelait que l’acheteur avait fait l’objet de deux contraventions au titre de l’accident litigieux, l’une pour circulation en surcharge et l’autre pour défaut de maîtrise de son véhicule.
Toutefois, par arrêt en date du 19 juin 2024 (Cour de cassation, Civile 1ère, 19 juin 2024, Pourvoi n°21-19972), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société venderesse et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RENNES.
Comme le rappelle la Cour de cassation, aux termes de l’article L.221-1, alinéa 1er, devenu l’article L.421-3 du Code de la consommation, les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne par porter atteinte à la santé des personnes.
Selon l’article 1147, devenu 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution d’une obligation contractuelle.
Après avoir constaté que l’acheteur avait chargé sur sa remorque les 67 planches, longues chacune de 4,52 mètres, avec l’aide d’un préposé de la société venderesse, la Cour d’Appel de RENNES retient que l’acquéreur, simple consommateur profane, n’avait pas été informé du poids total des planches, ni par le préposé qui l’ignorait, ni par les factures qui ne le mentionnaient pas, et ce, quoique le vendeur ait été sensibilisé par une campagne de la fédération de négoce bois et matériaux en 2013 au problème de la surcharge des véhicules et à la nécessité de refuser de charger les matériaux en ce cas.
Selon la Cour de cassation, au vu de ces éléments, la société venderesse avait méconnu son obligation d’information et de conseil, inhérente au contrat de vente, qui lui incombait au regard des caractéristiques de l’ensemble des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel.
En méconnaissant ces obligations d’information et de conseil, la société venderesse a donc engagé sa responsabilité contractuelle.
Par ailleurs, aucune faute ne saurait être retenue à l’encontre de l’acheteur profane.
En effet, comme le souligne la Cour de cassation, le déplacement anarchique de la remorque, dû à sa surcharge, constituait la cause exclusive de l’accident.
Les deux contraventions relevées contre l’acheteur avaient la même origine, dont la société venderesse était responsable.
Aucune faute ne pouvant être imputée à l’acheteur, la société venderesse est entièrement responsable des conséquences de l’accident et sera tenue d’indemniser intégralement les ayants-droits de la victime décédée.