Accident de la circulation causé par un mineur et caractère d’ordre public de la loi Badinter applicable aux parents

Actualité Tondu Avocat Accident de la circulation causé par un mineur et caractère d’ordre public de la loi Badinter applicable aux parents
Publié le 26/04/21

Un mineur a été poursuivi devant le Tribunal pour Enfants des chefs de vol aggravé, blessures involontaires et défaut de permis de conduire pour avoir, le 4 mai 2010, conduit sans permis un véhicule volé avec lequel il a eu un accident de la circulation, à la suite duquel son passager et ami, a été gravement blessé et est devenu tétraplégique.

Les parents du conducteur ayant pour assureur la MAIF ont été cités en qualité de civilement responsables de leur enfant mineur.

Par ailleurs, la société MATMUT, assureur de la propriétaire de la voiture volée, a été mise en cause. 

Le conducteur mineur a été déclaré coupable des délits précités par jugement devenu définitif.

Dans le cadre de la procédure sur intérêts civils, ayant pour objet d’indemniser les préjudices subis par le passager, le conducteur et ses parents ont été condamnés in solidum au paiement de différentes sommes à la victime et à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des ALPES DE HAUTE PROVENCE.

Par ailleurs, le jugement a été déclaré opposable à la MAIF, assureur des parents civilement responsables, et déclaré irrecevable la mise en cause de la MATMUT, assureur de la propriétaire de la voiture volée.

L’ensemble des parties a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 13 septembre 2019, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a condamné le conducteur et ses parents, sous la garde desquels il se trouvait, à réparer les conséquences dommageables de l’infraction commise.

En conséquence de quoi, le conducteur et ses parents ont tout d’abord été condamnés à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des ALPES DE HAUTE PROVENCE la somme de 1.495.655,63 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 1.784.765,76 euros au titre des dépenses de santé et d’appareillage après consolidation, outre l’indemnité forfaitaire de 1.080 euros.

Le conducteur et ses parents ont, en outre, été condamnés à verser au passager victime les sommes suivantes : 

Pertes de gains professionnels actuels                                         41.173,92 euros

Déficit fonctionnel temporaire                                                 32.400,00 euros

Souffrances endurées temporaires                                         50.000,00 euros

Préjudice esthétique temporaire                                                 6.000,00 euros

Assistance par une tierce personne temporaire                         75.520,00 euros

Déficit fonctionnel permanent                                                 480.000,00 euros

Préjudice esthétique permanent                                                 35.000,00 euros

Préjudice d’agrément                                                                 50.000,00 euros

Préjudice sexuel                                                                         50.000,00 euros

Préjudice d’établissement                                                         70.000,00 euros

Frais de véhicule adapté                                                         398.341,30 euros

Pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle 727.298,90 euros

Assistance par une tierce personne permanente                         8.336.859,78 euros

Par ailleurs, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a déclaré l’arrêt opposable à la MAIF.

Enfin, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a rejeté la demande des parents et de la MAIF tendant à voir reconnaître l’existence d’une faute de la victime, limitant son droit à indemnisation à hauteur de 50%.

Les parents et la MAIF se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.

Parmi les différents moyens soulevés devant la Cour de cassation, les parents soutenaient notamment qu’ils n’étaient pas civilement responsables de leur enfant mineur sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relatives aux accidents de la circulation mais uniquement sur celui de l’article 1384 alinéa 4, devenu 1242 alinéa 4 du Code civil, encadrant la responsabilité des parents du fait de leurs enfants.

Selon eux, ce régime de responsabilité du fait d’autrui permet d’opposer à la victime d’un dommage toute faute commise par cette dernière, même légère.

En prenant place dans un véhicule qu’il savait conduit par son ami mineur et donc par une personne qui n’était pas titulaire du permis de conduire, le passager aurait commis une faute devant réduire son droit à indemnisation.

Or, ne retenant pas l’existence d’une telle faute et en ne réduisant pas le droit à indemnisation du passager, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE aurait violé l’article 1384, devenu 1242 du Code civil et l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985. 

Toutefois, par arrêt en date du 5 janvier 2021 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 janvier 2021, Pourvoi n°19-86409), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par les parents et confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE sur ce point.

Comme le rappelle la Cour de cassation, les dispositions de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 sont d’ordre public et donc opposables aux parents civilement responsables d’un enfant mineur ayant conduit un véhicule sans permis.

Seule une faute inexcusable commise par le passager de la voiture aurait donc pu exclure sont droit à réparation en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

Une telle faute n’étant pas caractérisée en l’espèce, les parents civilement responsables, couverts par une assurance de responsabilité civile, doivent donc être déclarés solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur, sous la garde desquels il se trouvait.

Les parents et leur assureur de responsabilité civile seront donc tenus d’indemniser intégralement les préjudices subis par la victime devenue tétraplégique s’élevant à plusieurs millions d’euros. 

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