Accident de chasse : répartition de la charge de l’indemnisation entre l’auteur du tir et l’organisateur de la battue

Accident de chasse : répartition de la charge de l’indemnisation entre l’auteur du tir et l’organisateur de la battue
Publié le 14/04/25

Le 29 décembre 2015, un homme qui participait à une battue au grand gibier a été grièvement blessé à la tête par une balle de fusil de chasse calibre 12. 

La victime a immédiatement été hospitalisée au sein d’un Centre Hospitalier Universitaire en raison de l’impact au niveau maxillaire gauche avec détresse respiratoire aigue nécessitant son intubation et sa ventilation.

A son arrivée au sein de l’établissement de santé, il a été diagnostiqué : 

  • Un fracas mandibulaire ; 
  • Une fracture de l’apophyse transverse de C1 ; 
  • Une fracture des cellules ethmoïdales ; 
  • Un faux anévrisme au niveau de la carotide interne gauche. 

La victime est restée hospitalisée jusqu’au 22 juin 2016.

L’enquête préliminaire a permis de déterminer les circonstances de l’accident et a désigné l’auteur du coup de feu.

Le Laboratoire de la Police Scientifique a conclu que la balle, instrument du dommage, a pu ricocher avant d’atteindre la victime, sans certitude à cet égard.

La victime a alors saisi le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX afin de solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise médicale pour évaluer ses préjudices, outre l’allocation d’une provision à valoir sur son indemnisation définitive.

Par ordonnance de référé en date du 23 avril 2018, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a fait droit à ses demandes et condamné in solidum l’auteur du tir et son assurance responsabilité civile à payer à la victime une provision d’un montant de 16.000 euros. 

Par ordonnance de référé en date du 4 février 2019, les opérations d’expertise ont été déclarées opposables à l’organisateur de la partie de chasse.

Une fois le rapport d’expertise judiciaire déposé, la victime a saisi le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX afin de demande l’indemnisation de ses préjudices.

Par jugement en date du 16 février 2022, le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX a : 

  • Dit que le droit à indemnisation de la victime était entier ; 
  • Mis hors de cause l’organisateur de la partie de chasse ; 
  • Dit que l’auteur du coup de feu était entièrement responsable des dommages causés à la victime ; 
  • Condamné in solidum l’auteur du coup et son assureur responsabilité civile à indemniser la victime.

Par déclaration en date du 6 avril 2022, ces derniers ont interjeté appel de la décision attaquée. 

Aux termes de leurs conclusions d’appelants, ils ne contestent pas leur responsabilité mais critiquent le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur appel en garantie dirigé à l’encontre de l’organisateur de la partie de chasse et déclaré l’auteur du tir seul responsable des préjudices subis par la victime.

Pour ce faire, ils soutiennent que, selon l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), l’organisateur de la battue, n’a pas informé les chasseurs et notamment l’auteur du tir, qui venait pour la première fois sur les lieux, des conditions de tir permettant de prendre en compte l’environnement, l’emplacement du premier chasseur de chaque ligne et le secteur à surveiller. 

Ils font également valoir qu’était reproché à l’organisateur de la chasse de ne pas avoir tenu à jour le carnet de battue comme le lui oblige le schéma départemental.

L’auteur du tir soutient ainsi que, venant pour la première fois sur ces lieux de chasse, il n’aurait probablement pas tiré s’il avait reçu des instructions sur le tracé du chemin et l’emplacement des autres chasseurs et si ceux-ci avaient été placés sur une ligne rectiligne et non en angle droit.

L’auteur du tir et son assureur rappellent que les négligences alléguées de l’organisateur de la partie de chasse sont fautives et qu’elles ont un lien de causalité direct et certain avec les blessures subies par la victime.

Ils demandent donc de déclarer l’organisateur de la battue responsable pour moitié du préjudice subi par la victime.

En réponse, l’organisateur de la partie de chasse soutient que les chasseurs ont tous été placés à leur poste après avoir reçu toutes les consignes de sécurité, que le chemin n’était pas à angle droit mais légèrement courbe et que les manquements relevés à son encontre par l’ONCFS n’ont pas donné lieu à poursuites par le Parquet.

Il soutient que c’est l’imprudence de l’auteur du tir de ne pas avoir tenu compte de son environnement pour le calcul de son angle de tir qui est seule à l’origine du dommage.

Il fait valoir qu’en tout état de cause, il n’existe aucun lien de causalité entre la non-signature du carnet de battue par l’auteur du tir et l’accident.

Or, comme le rappelle la Cour d’Appel de BORDEAUX dans son arrêt en date du 20 janvier 2025 (Cour d’Appel de BORDEAUX, 1ère Chambre Civile, 20 janvier 2025, RG n°22/01719), pour voir engagée la responsabilité de l’organisateur de la partie de chasse sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, et le voir condamner à relever et garantir l’auteur du tir à hauteur de moitié des condamnations mises à sa charge, les appelants doivent rapporter la preuve d’une faute de celui-ci dans l’organisation de la chasse en lien de causalité avec le dommage subi pas la victime.

En l’espèce, il ressort des réponses fournies les 12 juillet et 9 août 2016 par l’ONCSF au Procureur de la République, qu’il pouvait être reproché à l’organisateur de la battue : 

  • La non-tenue à jour du carnet de battue pour l’inscription et la signature de chaque participant ; 
  • De n’avoir pas précisé à chaque chasseur son poste, si ce n’est qu’ils devaient se répartir sur le secteur à surveiller ; 
  • De n’avoir donné aucune consigne sur les conditions de tir permettant de prendre en compte l’environnement à l’auteur du tir, qui venait pour la première fois sur les lieux ; 
  • De ne pas avoir tenu compte de la configuration du terrain pour placer différemment la ligne des chasseurs ; 

La Cour d’Appel de BORDEAUX précise que les reproches émis par l’ONCFS n’ont pas été retenus par le Procureur de la République et n’ont donné lieu à aucune poursuite.

Mais surtout, il ressort des procès-verbaux d’audition des différents chasseurs présents sur les lieux, que ceux-ci indiquent tous avoir été placés par l’organisateur de la battue et avoir reçu des consignes de sécurité tenant à l’interdiction des tirs intérieurs et aux angles de tir de 30 degrés par rapport à la ligne, de sorte que ce reproche n’est finalement pas établi.

En tout état de cause, la Cour d’Appel de BORDEAUX estime qu’il n’est établi aucun lien de causalité entre les autres reproches émis par l’ONCFS et le dommage subi par la victime.

Il est au contraire émis l’hypothèse que le projectile tiré a ricoché sur une souche, ce que ce dernier a indiqué lors de sa déposition devant les Gendarmes.

Il ne ressort pas de l’ensemble la preuve d’une faute de l’organisateur de la partie de chasse, en lien de causalité avec le dommage.

Selon la Cour d’Appel de BORDEAUX, c’est à bon droit que le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX a retenu qu’une organisation plus rigoureuse au regard des préconisations de l’ONCFS et notamment la signature du carnet de battue par l’ensemble des participants, n’aurait pas permis d’éviter l’accident et n’en est, par conséquent, pas la cause.

Ainsi, la responsabilité de l’organisateur de la battue dans la survenance de l’accident ne saurait être retenue et le jugement qui a prononcé sa mise hors de cause est confirmé par la Cour d’Appel de BORDEAUX.

Dès lors, l’auteur du tir et son assureur seront seuls tenus d’indemniser les préjudices subis par la victime.     

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