Accident au cours d’une partie de squash : non-application de la responsabilité du fait des choses
Le 9 février 2012, un joueur de squash a été blessé au cours d’une partie amicale, après un tir effectué par son partenaire de jeu, lequel a frappé la balle en direction du mur qui a alors rebondi puis percuté l’œil de la victime.
Cette dernière a décidé d’assigner, devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE, l’assureur garantissant la responsabilité civile de son partenaire de jeu afin d’être indemnisée de l’ensemble de ses préjudices sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil (désormais l’article 1242 alinéa 1er du Code civil depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016), siège de la responsabilité du fait des choses.
L’auteur du tir est volontairement intervenu à la procédure, en première instance, aux côtés de son assureur.
Par jugement en date du 29 février 2016, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a débouté la victime de l’intégralité de ses demandes indemnitaires, tant à l’encontre de la compagnie d’assurance qu’à l’encontre de son partenaire de jeu.
Le 10 mars 2016, le joueur de squash blessé a alors interjeté appel de ce jugement.
Dans un arrêt en date du 6 avril 2017 (Cour d’Appel de DOUAI, 6 avril 2017, RG n° 16/01533), la Cour d’Appel de DOUAI a confirmé la décision rendue en première instance.
En effet, comme le rappelle la Cour d’Appel de DOUAI, l’article 1242 alinéa 1er du Code civil (Ancien article 1384 alinéa 1er) dispose que :
« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
En application du régime de la responsabilité du fait des choses, mis en place par la Cour de cassation, quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour qu’une victime puisse être indemnisée de ses préjudices, à savoir :
- Un fait de la chose ;
- Un gardien de la chose ;
- Un dommage ;
- Un lien de causalité entre le fait de la chose et le dommage ;
Or, la Cour d’Appel de DOUAI a constaté, dans l’arrêt commenté, qu’une de ces quatre conditions faisait défaut en l’espèce pour pouvoir engager la responsabilité civile de l’auteur du tir, à savoir la garde de la chose.
En effet, depuis un arrêt en date du 2 décembre 1941, la Cour de cassation définit la notion de garde comme la rencontre des pouvoirs d’usage (se servir de la chose), de contrôle (être en position d’éviter les dysfonctionnements de la chose) et de direction (décider de la finalité de l’emploi de la chose).
Seul celui qui exerçait effectivement les pouvoirs sur la chose au moment de l’accident sera civilement responsable des préjudices subis par la victime.
En l’espèce, la Cour d’Appel de DOUAI prend soin de préciser que :
« S’agissant d’un jeu comme le squash, joué dans un espace clos et confiné et fut-il comme en l’espèce pratiqué amicalement, tous les joueurs ont l’usage de la balle mais aucun n’en a individuellement le contrôle et la direction ; le joueur qui détient la balle est contraint de la renvoyer immédiatement vers le mur pour que l’autre joueur puisse à son tour renvoyer la balle vers le mur, de sorte que chacun d’entre eux dispose alternativement d’un temps de détention très bref et insuffisant pour exercer sur la balle un pouvoir de contrôle et de direction.
Il s’ensuit que l’action, qui consiste pour le joueur à effectuer un tir vers le mur, ne fait pas de ce dernier, détenteur de la balle pour cette action, le gardien de celle-ci, étant de surcroît rappelé que le squash se pratique en salle et sur un espace limité, ce qui est de nature à favoriser la rapidité d’exécution des tirs vers le mur et donc la détention alternative de la chose ».
Ainsi, selon la Cour d’Appel de DOUAI, au cours d’une partie de squash, tous les joueurs ont l’usage de la balle et en sont les détenteurs précaires.
En revanche, aucun n’exerce individuellement les pouvoirs de contrôle et de direction sur cette balle.
Dès lors, aucun des joueurs n’a juridiquement la garde de la balle de squash.
Par conséquent, en cas d’accident et de dommage corporel, la victime est mal fondée à tenter de rechercher la responsabilité civile de l’auteur du tir litigieux sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, organisé par 1242 alinéa 1er du Code civil (Ancien article 1384 alinéa 1er) dès lors qu’une condition fait défaut, la garde de la chose.
Néanmoins, pour pallier ce risque et comme le sous-entend la Cour d’Appel de DOUAI, le joueur blessé aurait pu tenter de rechercher la responsabilité de son partenaire de jeu sur un autre fondement juridique, à savoir la responsabilité du fait personnel, prévue à l’article 1240 du Code civil (Ancien article 1382 du Code civil).
En effet, cet article dispose que :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Cependant, dans le cadre de ses conclusions, la victime fondait uniquement ses demandes indemnitaires sur l’article 1384 aliéna 1er du Code civil et n’articulait aucune argumentation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, de sorte que la Cour d’Appel ne pouvait pas faire droit à ses demandes indemnitaires.