Absence de limitation du droit à indemnisation de la victime en cas de prédisposition pathologique asymptomatique ou non douloureuse avant l’accident
Le 11 septembre 2013, une femme a été victime d’un accident de la circulation, dans lequel
était impliqué un véhicule assuré auprès de la MATMUT.
A la suite de cet accident de la route, la victime s’est vue diagnostiquer, le 12 mai 2014, soit 8
mois après les faits, un syndrome de défilé thoraco-cervico-brachial justifiant une intervention
chirurgicale.
Elle a alors fait assigner la MATMUT, aux côtés de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie
de MEURTHE ET MOSELLE, devant le Tribunal de Grande Instance territorialement
compétent aux fins notamment que le lien entre son syndrome de défilé thoraco-cervico-
brachial et son accident de la circulation soit retenu.
Par arrêt en date du 8 octobre 2019, la Cour d’Appel de NANCY a fait droit à l’argumentation
développée par la victime en considérant que la décompensation de son syndrome était bien
une conséquence de son accident de la route et qu’il devait donner lieu à une indemnisation
intégrale des préjudices en découlant.
La MATMUT s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, la compagnie d’assurance conteste tout lien entre l’accident de la
route et le syndrome de défilé thoraco-cervico-brachial présenté par la victime, dès lors
notamment que :
- Les douleurs ressenties par la victime sont apparues plusieurs mois après son
accident de la circulation ; - L’origine des douleurs n’est pas connue de façon certaine ;
- La victime présentait, avant le 11 septembre 2013, une prédisposition pathologique
qui s’était révélée symptomatique avant même la survenance de son accident de la
circulation ;
Par arrêt en date du 16 septembre 2021 (Cour de cassation, Civile 2 ème , 16 septembre 2021, Pourvoi n°19-
26014), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la MATMUT et confirmé l’arrêt rendu par la
Cour d’Appel de NANCY.
Comme le rappelle la Cour de cassation :
« ce n’est qu’après l’accident, intervenu quand elle était âgée de 36 ans, que Mme V a
présenté des douleurs correspondant au syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial,
que c’est parce que des douleurs persistaient suite à cet accident, alors qu’elles
auraient dû s’atténuer puis disparaître grâce aux traitements habituellement utilisés
dans ce genre de situation, que des examens supplémentaires ont été réalisés et que ce
syndrome a été mis en évidence le 12 mai 2014, huit mois seulement après l’accident,
puis traité par chirurgie au mois de juillet 2014 ».
Elle ajoute que :
« L’arrêt précise que l’anomalie du défilé thoraco-cervico-scapulaire gauche de Mme
V est connue depuis son enfance, mais n’occasionnait aucune douleur et ne donnait
lieu à aucun traitement, qu’il résulte d’un courrier de son médecin traitant en date du
21 mai 2015 qu’elle n’a jamais présenté depuis février 1997, date de sa premier
consultation à son cabinet, de symptômes en rapport avec son défile thoraco-cervico-
thoracique, que si l’expert judiciaire considère quant à lui que le syndrome était déjà
symptomatique avant l’accident, ce dernier reconnaît qu’« il ne donnait alors pas lieu
à complications sévères », et que le sapiteur ne pouvait exclure catégoriquement que
l’accident soit la cause de la décompensation du syndrome.
L’arrêt ajoute que le rapport d’expertise rédigé par MM. S et J, médecins, qui se
réfère à une littérature médicale datant de 1987, sans que l’intimée ne soit en mesure
de démontrer que les connaissances médicales auraient évolué, a retenu un lien de
causalité certain entre l’accident et la décompensation du syndrome, que d’autres
praticiens, Mme Z et N, retiennent un tel lien de causalité. Il considère que les experts
qui ont écarté le lien de causalité entre l’accident et la décompensation du syndrome
n’ont pas expliqué pour quelle raison ce syndrome était apparu moins d’un an après
l’accident, alors que l’anomalie connue de Mme V avait été asymptomatique, ou tout
du moins non douloureuse pendant 36 ans.
En l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a souverainement
apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu
déduire, hors de toute dénaturation, sans inverser la charge de la preuve et sans violer
le principe de la contradiction, que le syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial
présenté par Mme V, qui avait été révélé par le fait dommageable, était une
conséquence directe de l’accident dont elle avait été victime ».
Lorsqu’elle présentait, avant le fait dommageable, une prédisposition pathologique
asymptomatique ou simplement non douloureuse, la victime ne saurait voir son droit à
indemnisation restreint à la suite de l’accident.
Cette dernière est donc bien fondée à solliciter la réparation intégrale de ses préjudices, y
compris de ceux correspondant à son état antérieur asymptomatique et révélé par l’accident.