Chute d’un cycliste imputable à la voirie et responsabilité de la commune
Le 10 décembre 2014, vers 10h45, un cycliste a fait une chute rue René Ulysse, sur le territoire de la commune des Abymes en Guadeloupe.
Alors qu’il circulait sur la chaussée, il a été contraint de faire un écart et de rouler sur la grille d’un regard d’évacuation des eaux pluviales pour éviter une pierre qui se trouvait sur son passage ainsi qu’une voiture qui arrivait en sens inverse.
Ce regard étant positionné parallèlement au sens de la circulation, la roue avant de la bicyclette s’est fichée entre les deux barres parallèles de la grille et le cycliste a été projeté au sol.
Ce dernier a alors saisi le Tribunal Administratif de la GUADELOUPE afin de solliciter l’indemnisation de ses différents préjudices.
Par jugement en date du 31 janvier 2019, le Tribunal Administratif de la GUADELOUPE a retenu, d’une part un défaut d’entretien normal de la chaussée à raison de l’incorporation dans la voirie communale d’un regard dont le positionnement parallèlement au sens de circulation constituait un danger excédant ceux auxquels peuvent s’attendre les usagers, en particulier les cyclistes, et, d’autre part un défaut de vigilance de la victime à l’origine de 50% de ses préjudices.
La victime n’a donc été indemnisée qu’à hauteur de 50% de ses préjudices.
Cette dernière a donc relevé appel de cette décision devant la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX afin de solliciter la condamnation de la commune des Abymes à réparer l’intégralité de son préjudice.
Aux termes de ses écritures, la victime rappelle que le regard litigieux, de fabrication artisanale, n’est pas homologué ; il est particulièrement dangereux pour les cyclistes en raison de sa grille placée dans le sens de la circulation, avec un espace de 3 à 4 cm entre les barres.
Par ailleurs, c’est pour éviter une automobile venant en sens inverse qu’il a été contraint de rouler sur le regard litigieux.
En outre, aucune faute de la victime ne saurait être retenue dès lors que la route n’était pas interdite aux vélos de course et qu’il ne roulait pas à une vitesse excessive, de sorte que l’entière responsabilité de la commune doit être retenue.
De son côté, la commune des Abymes a formé un appel incident, contestant toute responsabilité de sa part et soutenant que l’accident serait entièrement imputable à la faute de la victime.
Selon elle, l’accident serait imputable à l’étroitesse des pneus de la bicyclette.
De plus, la victime était un cycliste expérimenté qui connaissait les lieux et circulait à une vitesse excessive.
Toujours selon la commune des Abymes, la victime aurait dû faire preuve d’une vigilance accrue.
Quand bien même elle se serait trouvée face à un véhicule, elle avait la possibilité de s’arrêter pour ne pas s’engager sur le regard.
Toutefois, aux termes de son arrêt en date du 13 juillet 2021 (Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, 2ème Chambre, 13 juillet 2021, N°19BX01442), la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a fait droit à l’argumentation de la victime et censuré l’arrêt rendu par le Tribunal Administratif de la GUADELOUPE.
Comme le rappelle la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, il appartient à l’usager d’un ouvrage public qui demande réparation d’un préjudice qu’il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l’ouvrage. Le maître de l’ouvrage ne peut être exonéré de l’obligation d’indemniser la victime qu’en rapportant, à son tour, la preuve soit de l’absence de défaut d’entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
Elle ajoute que le lien de causalité entre la grille du regard d’évacuation des eaux pluviales et l’accident n’est plus contesté en appel.
Par ailleurs, il résulte de l’instruction que cette grille, dont les dimensions sont d’environ 1,20m sur 1m, est constituée de barres métalliques parallèle dont l’écartement est de l’ordre de 3 à 4cm.
Comme l’ont estimé les premiers juges, son positionnement dans le sens de la circulation constitue un danger excédant ceux que les usagers de la voie publique, et en particulier les cyclistes, peuvent normalement s’attendre à rencontrer.
Or, la victime a roulé sur la grille en faisant un écart par rapport au bord droit de la chaussée, sur lequel les cyclistes doivent en principe circuler, pour éviter une pierre qui se trouvait sur son passage.
La réclamation préalable précise en outre qu’une automobile arrivant alors en sens inverse.
Dans ces circonstances, et alors qu’il n’est pas établi que la victime aurait roulé à une vitesse excessive, aucune faute d’imprudence ou d’inattention ne saurait être reproché à cette dernière.
Par conséquent, l’entière responsabilité de la commune des Abymes doit être retenue et celle-ci est condamnée à réparer l’intégralité des préjudices subis par la victime.