Garantie du conducteur et conditions d’annulation d’un procès-verbal de transaction conclu avec une compagnie d’assurance
Le 8 novembre 2011, un conducteur a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il se rendait sur son lieu de travail.
Circulant en direction de la commune d’ARQUIAN (Nièvre), il a été contraint d’effectuer une manœuvre d’urgence pour éviter un chevreuil et a perdu le contrôle de son véhicule.
Victime d’une fracture luxation de C6-C7 et d’une fracture ouverte de la base du troisième métacarpien de la main gauche, le conducteur s’est alors rapproché de sa compagnie d’assurance, la société GROUPAMA, afin de faire jouer la garantie « accident corporel du conducteur » qu’il avait souscrite.
Le 28 mars 2013, il a accepté de son assureur la somme de 21.710 euros à titre de règlement définitif de sa garantie « accident corporel du conducteur ».
Deux années plus tard, la victime a saisi le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BOURGES, lequel a, par ordonnance en date du 11 juin 2015, ordonné une mesure d’expertise judiciaire.
Aux termes de son rapport déposé le 28 octobre 2015, l’Expert Judiciaire a conclu à l’absence d’aggravation de l’état de santé du blessé.
Toutefois, par actes en date des 17 et 25 novembre 2016, la victime a assigné la société GROUPAMA aux côtés de la CPAM du CHER devant le Tribunal de Grande Instance de BOURGES afin de solliciter la nullité de la transaction intervenue le 28 mars 2013 et de voir condamner la compagnie d’assurance à l’indemniser de son entier préjudice qu’il évaluait à 353.314,86 euros.
Par jugement en date du 23 mai 2019, le Tribunal de Grande Instance de BOURGES a déclaré recevables les demandes présentées par la victime, annulé le protocole d’accord transactionnel conclu avec la compagnie GROUPAMA et condamné cette dernière à lui verser différentes indemnités en réparation du préjudice corporel subi à la suite de son accident de la circulation en date du 8 novembre 2011.
Selon le Tribunal de Grande Instance de BOURGES, la victime n’avait pu donner un consentement éclairé au procès-verbal de transaction conclu avec la compagnie GROUPAMA en raison de l’indétermination de son objet.
L’erreur invoquée par le blessé lors de la signature portait nécessairement sur l’objet de la contestation et non pas seulement sur l’étendue de son préjudice.
En effet, il n’était pas démontré que le conducteur aurait eu connaissance du rapport d’expertise médicale avant la signature de la transaction ni qu’il ait été informé des différents éléments de préjudice faisant l’objet d’une indemnisation amiable.
Par conséquent, la victime était bien fondée à solliciter l’annulation de ladite transaction.
Par déclaration enregistrée le 13 août 2019, la compagnie GROUPAMA a interjeté appel de ce jugement.
Néanmoins, par arrêt en date du 5 novembre 2020 (Cour d’Appel de BOURGES, 1ère Chambre, 5 novembre 2020, RG n°19/00990), la Cour d’Appel de BOURGES a rejeté l’argumentation de la compagnie GROUPAMA et confirmé le jugement rendu en première instance.
Comme le rappelle la Cour d’Appel de BOURGES, selon l’article 2044 alinéa 1er du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Il résulte par ailleurs de l’article 2052, ainsi que de l’article 2053 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, que les transactions, qui ont entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort, ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit ni pour cause de lésion ; en revanche, une transaction peut être rescindée lorsqu’il y a erreur dans la personne ou sur l’objet de la contestation ainsi que dans tous les cas où il y a dol ou violence.
En l’espèce, il apparaît que la victime a signé, le 28 mars 2013, un document intitulé « quittance d’indemnité garantie accident corporel du conducteur » à l’en-tête de GROUPAMA, dans lequel il a déclaré « accepter sous réserve du paiement de GROUPAMA Rhône-Alpes-Auvergne, agissant comme assureur de personnes au titre du contrat automobile 32 0 0 75 88C, la somme de 21.710 euros à titre de règlement définitif de l’indemnité contractuelle [lui] revenant en exécution de la garantie ».
Aux termes de ses conclusions, le conducteur blessé sollicite l’annulation de ladite transaction au motif, d’une part que celle-ci serait affectée d’une erreur au sens de l’ancien article 2053 du Code civil et, d’autre part que les dispositions de l’article L.211-10 du Code des Assurances ont été méconnues par son assureur.
Comme le rappelle la Cour d’Appel de BOURGES, la validité de la transaction signée par la victime suppose que celle-ci ait pu avoir à sa disposition l’ensemble des éléments d’information sur la nature et le quantum des différents postes de préjudice faisant l’objet du document qui lui était soumis afin de lui permettre, en toute connaissance de cause, de prendre la libre décision d’accepter, ou de refuser, la transaction qui lui était proposée.
Or, la lecture du procès-verbal de transaction régularisé par le conducteur blessé le 28 mars 2013 permet de constater que la somme de 21.710 euros proposée par la compagnie GROUPAMA ne fait l’objet d’aucun calcul détaillé permettant d’appréhender les postes de préjudice qu’elle doit indemniser.
De plus, il ne résulte pas des pièces du dossier que le rapport d’expertise amiable du médecin conseil de la compagnie aurait été communiqué préalablement à la signature du procès-verbal par la victime.
Au contraire, la décomposition des sommes allouées au conducteur blessé n’a été fournie à la victime que par courrier de l’assureur en date du 17 septembre 2013, soit 6 mois après la signature du procès-verbal.
Dès lors, la Cour d’Appel de BOURGES estime que c’est à bon droit que le Tribunal de Grande Instance de BOURGES a considéré qu’il n’était pas démontré que la victime aurait pu donner un consentement éclairé à la transaction en raison de l’indétermination de l’objet de celle-ci.
Par conséquent, la transaction conclue entre le conducteur blessé et son assureur est annulée et la Cour d’Appel de BOURGES confirme les indemnités qui ont été allouées par le Tribunal de Grande Instance de BOURGES à la victime.